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Déforestation en Amazonie : des pistes pour mettre fin aux importations françaises de soja

Alors que Greenpeace dénonce les importations massives de soja en France en cause dans les incendies en Amazonie, l'association Canopée dégage des pistes de solutions pour mettre fin à ces importations et enfin réduire la déforestation importée

Une tonne de soja importée du Brésil contribuerait à l'émission de 0,52 tonne de CO2, estime l'association Canopée.

Le 10 septembre, l'association Canopée a remis un rapport au Gouvernement qui propose des solutions techniques pour « mettre fin » aux importations françaises de soja issu de la déforestation au Brésil. Ce rapport a été demandé, en septembre 2019, par le Comité scientifique et technique « Forêt » chargé d'accompagner la mise en œuvre de la Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI) publiée en novembre 2018. Ce comité a été créé en 2019 par l'Agence française de développement et trois ministères (Transition écologique, Agriculture, Europe et Affaires étrangères).

Mais deux ans après l'adoption de la SNDI, l'ONG Greenpeace dénonce l'« échec » de cette stratégie qui ne comporte « aucune mesure contraignante ». La SNDI est basée sur le volontariat des entreprises. Greenpeace fustige la « complicité » de la France pour ses importations massives de soja, où cette culture contribue à la déforestation de l'Amazonie frappée par des incendies. En août 2020, l'Institut national de recherche spatiale du Brésil (INPE) a en effet relevé 29 307 incendies en Amazonie brésilienne. Les feux de forêt sont la conséquence de la déforestation. Des agriculteurs pratiquent le brûlis sur des zones déboisées pour y faire paître du bétail puis cultiver du soja.

Plusieurs millions de tonnes de soja importées par an en France

Selon Greenpeace, la France importerait entre 3,5 et 4,2 millions de tonnes par an de soja d'Amérique du Sud (dont 61 % proviennent du Brésil), pour nourrir les animaux d'élevage. Les importations de soja « sont la première cause de déforestation importée en France », corrobore l'association Canopée dans son rapport. La majorité du soja en France est importée sous forme de tourteaux pour l'alimentation animale, en provenance du Brésil via les ports français : « En 2019, le Brésil est le premier fournisseur de soja pour la France, avec, respectivement, 66 % et 33 % des importations de tourteaux et de graines (ou fèves de soja) », précise Canopée. Soit respectivement 2 millions de tonnes et 0,2 million de tonnes importées l'an dernier. L'huile de soja est aussi utilisée comme agrocarburant, avec environ 400 000 tonnes par an importées.

Une tonne de soja importée du Brésil

contribuerait ainsi à l'émission de 0,52 tonne

de CO2, selon les calculs de Canopée.

Soit « l'équivalent des émissions annuelles

de 400 000 voitures pour l'ensemble de nos

importations de soja en provenance de ce

pays ».

Six négociants de soja concentrent 66 %

du risque de déforestation au Brésil.

L'objectif de la SNDI est d'arriver en 2030 à

zéro impact des importations françaises sur

la déforestation. Or depuis son adoption,

la situation au Brésil « s'est fortement

dégradée avec une reprise de la déforestation

et de nombreuses violations des droits

humains », observe Canopée.

En parallèle, les négociants de soja ont mis en place des politiques « mais avec des résultats mitigés », pointe l'association.

En France, les principaux importateurs de soja sont, par ordre décroissant : Bunge, Louis Dreyfus Company, COFCO, Solteam et Cargill, liste Canopée. Toutes ces entreprises ont pris des engagements volontaires unilatéraux, en 2014 et 2015, pour lutter contre la déforestation et la conversion d'écosystèmes naturels. Toutefois, faute de définitions claires, de transparence et de vérification de leurs engagements, « l'exposition au risque de déforestation/conversion de ces entreprises n'a pas été réduit ». En 2017, au Brésil, les chaînes d'approvisionnement des six principaux négociants mondiaux (ADM, Amaggi, Bunge, Cargill, Louis Dreyfus et COFCO) concentraient « 66 % du risque de déforestation » directement lié à l'expansion de la culture de soja.

Un mécanisme pour responsabiliser les acteurs de la chaîne d'importation et de transformation

 

Pour mettre fin aux importations de soja brésilien, le rapport montre que des solutions techniques « existent mais nécessitent un renforcement de la volonté politique pour les mettre en œuvre », estime Sylvain Angerand, co-auteur de ce rapport. Ces solutions sont soutenues par une quarantaine d'acteurs, y compris privés, qui ont participé à ces travaux. Canopée propose la mise en place « d'un mécanisme d'analyse du risque », à l'échelle nationale. Ce mécanisme permettrait de mieux identifier les risques de déforestation, en fonction de la municipalité d'origine du soja, et mettre ainsi à disposition les informations sur l'origine du soja importé. Ce mécanisme vise à « responsabiliser l'ensemble des acteurs de la chaîne d'importation et de transformation ». Il est construit pour vérifier le risque de déforestation d'abord au niveau du port brésilien, puis au niveau des silos, et ensuite au niveau de la parcelle dans les municipalités jugées « à risque ».

Selon Canopée, 273 municipalités au Brésil concentreraient « 91 % des risques de déforestation ». Ce mécanisme permettrait aussi de concentrer les moyens de vérification et de contrôle sur les zones les plus à risque. Il s'appuierait sur les données d'importation française issues des douanes et du suivi satellitaire du couvert forestier, dans les zones d'approvisionnement. Il permettrait ainsi d'informer « de façon ciblée » les entreprises liées directement ou indirectement au phénomène de déforestation.

Renforcer les engagements contractuels des négociants

Canopée appelle aussi à renforcer les engagements des négociants de soja. L'association pointe leur refus d'adopter « une date claire d'arrêt de la conversion ». Le rapport recommande de fixer une « cut-off date » au plus tard au 1er janvier 2020. C'est-à-dire la date à partir de laquelle la conversion d'une parcelle « n'est plus acceptée ».

Les principaux négociants de soja devraient aussi inclure « des clauses strictes » de non-déforestation dans leurs contrats avec l'ensemble des producteurs, ajoute Canopée. « De nombreuses entreprises sont prêtes à intégrer des clauses dans leur cahier des charges pour exiger un soja non-issu de la conversion ou de la déforestation ». À partir de 2022, l'État doit aussi se doter d'une politique d'achats publics « zéro déforestation », selon la SNDI. « L'introduction de clauses dans les marchés publics pour demander aux fournisseurs d'adhérer au mécanisme constitue également un puissant levier », estime Canopée.

Par ailleurs, le mécanisme d'analyse du risque devrait s'appuyer sur la loi sur le devoir de vigilance de 2017 et s'élargir « à toutes les entreprises susceptibles d'avoir du soja dans leurs chaînes d'approvisionnement ».

« La mise en œuvre de ce mécanisme constitue un enjeu fort de crédibilité pour la SNDI », souligne Canopée. L'État devrait également « jouer son rôle pour accompagner les maillons les plus fragiles de la chaîne, notamment les éleveurs et s'assurer qu'aucun surcoût injustifié ne soit généré », conclut le rapport.

Rachida Boughriet, journaliste
Rédactrice spécialisée
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