MEDIA CORSICA
Les Arabes israéliens menacés par les islamistes
« Je cours le marathon partout, mais dans les rues de ma ville, j’ai peur ». Hanine Radi, Arabe israélienne,
rêvait d’organiser un marathon chez elle, au centre d’Israël, mais les menaces de mort des islamistes radicaux
ont brisé son élan.
Agée de 36 ans, cette mère de quatre enfants, qui décrocha la troisième place au marathon de Tel-Aviv, s’en-
traîne trois fois par semaine à Tirah, une ville arabe d’Israël de 25.000 habitants.
Elle emmène une cinquantaine de coureuses dans son sillage, mais seulement après 20 heures et dans un
stade fermé, vidé de tous les hommes. Pas question de courir en plein jour ni en ville dans la tenue propre à
cet exercice.
« L’an dernier, on avait tout organisé pour le marathon, on avait fixé la date, distribué les affiches », se rappelle
cette membre de la minorité arabe, celle des arabes et de leurs descendants restés sur leurs terres à la cré-
ation de l’Etat d’Israël en 1948. Ils représentent aujourd’hui 17,5% de la population israélienne.
« Mais quand je suis sortie avec les filles pour courir sur le parcours que nous avions retenu, nous sommes
tombées sur des barbus (islamistes) qui nous ont insultées », déplore Hanine, musulmane elle-même, comme la grande majorité des 1,4 million d’Arabes israéliens.
Le soir de cet entraînement mouvementé, elle a reçu des insultes et des menaces de mort par téléphone. Puis, au milieu de la nuit, « on a tiré sur ma maison et ma voiture ».
La police israélienne a interrogé un dignitaire religieux qui avait incité à la violence contre les coureuses. Mais « le dossier a été fermé sans que personne ne soit arrêté », regrette-t-elle.
A Tirah, comme dans le reste du secteur arabe israélien où l’on continue communément à se considérer comme palestinien, le salafisme -mouvement pour un islam « ultraorthodoxe » prônant un retour aux sources- progresse, concurrençant l’ancienne revendication nationale palestinienne, s’alarment experts et figures de la communauté.
Pour les salafistes, le sort des Arabes israéliens, qui se plaignent d’être des citoyens de seconde classe dans un Etat juif à 75%, « est dû au fait que les gens se sont éloignés de la religion », explique à l’AFP Nihad Ali, professeur à l’université de Haïfa.
« La question de l’identité nationale (palestinienne) n’est pas leur priorité, ils mènent un combat pour contrôler la société et imposer leurs idées religieuses », ajoute-t-il.
Il n’existe pas de chiffres officiels sur le nombre de musulmans salafistes en Israël. La police parle de quelques milliers sur plus d’un million de musulmans.
Mais la progression de ce courant inquiète jusqu’aux islamistes modérés (NDLR : nouveau terme de journaliste – islamiste modéré.)
Massoud Ghoneim, député et membre de la branche sud du Mouvement islamique, fortement inspirée par les Frères musulmans, discerne « une montée palpable de la mouvance salafiste parmi les Palestiniens arabes d’Israël ». Il dénonce « la violence et les actes de voyous » de ces militants.
La place des femmes dans la société et le sport ne sont pas les seuls menacés par la montée du salafisme. En 2015, une pièce de théâtre a été interdite dans plusieurs villes. Récemment, un concert où devait se produire Haitham Khalayli, un Arabe israélien qui avait participé au télé-crochet panarabe Arab Idol et des diffusions publiques du film jordanien « Al-Mokhless » (« le Fidèle ») sur la vie de Jésus ont connu le même sort.
A chaque fois, des dignitaires religieux tenants du salafisme ont estimé que ces manifestations « contrevenaient à l’islam et aux bonnes meurs ».
La projection de films en arabe, les spectacles ou les expositions d’artistes arabes en Israël sont pourtant l’une des armes des Arabes Israéliens pour préserver une identité et une culture palestiniennes en Israël.