MEDIA CORSICA
CONSTRUIRE LA DÉMOCRATIE : UN DOCUMENTAIRE POUR RETRACER LES COULISSES DE LA CONVENTION CITOYENNE POUR LE CLIMAT
Rien que le titre de ce rassemblement est choquant. On se croirait revenu lors de la révolution française... Et s'il y avait des têtes à couper, quelles seraient-elles ? Pauline Fricot pour Novethic nous donne un élément d'explication, que je vous livre ici :
Rassembler 150 citoyens tirés au sort et leur donner pour mission de légiférer sur le climat. L'exercice est inédit. Le documentaire "Convention citoyenne pour le climat - Démocratie en construction", disponible sur le site internet de la chaîne Arte jusqu'au 11 juin, plonge dans les coulisses du palais d'Iéna. Entre enthousiasme et peur d'être instrumentalisés, les 150 citoyens et les organisateurs tentent d'appréhender ce nouvel outil démocratique.
Le documentaire se plonge pendant neuf mois dans les coulisses de la Convention citoyenne pour le climat.
Neuf mois de travail, sept week-ends, 5 millions d’euros de budget, 149 mesures proposées au gouvernement. Factuellement, la Convention citoyenne pour le climat peut se résumer ainsi. Le documentaire réalisé par Naruna Kaplan de Macedo, diffusé jusqu’au 11 juin sur le site internet d’Arte propose d’aller au-delà des chiffres et de retracer le parcours de ces 150 citoyens, mais aussi des organisateurs, au cœur de ce nouvel outil démocratique né au milieu des marches pour le climat et du mouvement des gilets jaunes.
En octobre 2019, les "150", tirés au sort quelques mois plus tôt se rassemblent pour la première fois au palais d’Iéna, siège du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Leur mission : définir des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du territoire de 40 % d’ici à 2030.
La démocratie en marche
"Je ne vois pas de quel droit je suis là, à me poser des questions sur la planète, je n’ai pas les compétences, confie volontiers Yolande au micro de la réalisatrice. Plein de personnes ici m’ont dit qu’ils ne votaient pas, parce qu'ils estiment que les politiques sont tous pourris. Là, c’est un nouvel outil dont les gens se saisissent parce qu’ils ont l’impression qu’on va les entendre directement." L’enjeu est bien là. Dans un sondage, les participants affirment qu'ils n’ont pas hésité à s’engager dans l’aventure. Mais beaucoup insistent : c’est un désir de transformation démocratique qui les a poussés à participer.
Écotaxe, réduction de la vitesse sur les autoroutes, écocide... Le documentaire retrace la façon dont, au fur et à mesure de leur formation et de leurs rencontres, les citoyens apprennent à réfléchir au bien commun et parfois contre eux-mêmes. L'heure est au compromis. "Les gens qui travaillent dans le business doivent quand même prendre l'avion [...], explique par exemple l'un des membres de la Convention aux activistes de l'association Extinction Rebellion présents devant le palais d'Iéna. Au début, c’était difficile pour moi de les rencontrer, aujourd’hui j’ai beaucoup plus de faciliter à les écouter."
"On se prend pour qui ?"
L'exercice est fastidieux, le temps chronométré, et les débats se poursuivent jusque dans les couloirs. Doit-on "inclure", "favoriser" ou "imposer" les enjeux environnementaux dans le texte ? D’ailleurs, vaut-il mieux privilégier le terme "écologie" ou "environnement" dans la Constitution ? Et surtout : faut-il soumettre l’ensemble des mesures à un référendum, ou les passer par la voie législative ? Miser les 149 mesures sur un plébiscite, c’est quitte ou double. " Je pense qu’il ne faut envoyer aucune mesure au référendum, détaille l'une des 150. Les français n’ont pas toutes les informations. Ils n’ont pas eu notre formation, c’est trop risqué ". La tension monte.
Dans les rangs des organisateurs, c'est la sidération. "Ce qui me choc, c’est que vous vous comportez comme certains élus", déplore Mathilde, l’une des organisatrices à Agnès, membre des "150". Celle-ci acquiesce. "On fait exactement ce que qu’on reproche au gouvernement, on se sépare du peuple français. On se prend pour qui, franchement ?". Les citoyens décideront finalement de ne pas soumettre l'ensemble de leurs mesures à un référendum, et préféreront les remettre entre les mains du gouvernement. En octobre 2020, alors que de plus en plus d'articles sont questionnés, les 150 citoyens, réunis en association, s’inquiètent du sort réservé à leur texte et interpellent le président.
Pauline Fricot.
Naruna Kaplan de Macedo
Naruna Kaplan de Macedo est née à Paris d’une mère américaine et d’un père brésilien. Elle étudie le cinéma à la London International Film School (LIFS). Avec Kobayashi Films, elle réalise La Casa puis Homem ao Mar, deux courts métrages qui suivent Marcio, un personnage interprété par Marcelo Melo, entre maisons bourgeoises et favelas cariocas.
En 2005, Naruna s’installe à Tel-Aviv. Elle y tourne Depuis Tel-Aviv, produit par Les Films d’Ici, un film sur le conflit à partir du quotidien dans la ville.
Elle tient pour le journal en ligne mediapart.fr, un blog du même nom dont les billets hebdomadaires sont largement suivis. De retour en France, Naruna travaille avec Leitmotiv Production pour trois documentaires, Cité-hôpital, 24h de la vie d’une gare, et Mon week-end au centre commercial en coproduction avec France Télévision. Par ailleurs, Naruna a travaillé sur des formats documentaires courts pour la télévision, notamment avec les Films d’Ici Méditerranée.
Depuis la naissance de leurs fils Atlas et Zeev, Naruna et Olivier Saint-Hilaire ont un projet commun de Lettres à Zeev et Atlas, où ils s’adressent à leurs fils dans des courts films sur des sujets intimes ou sociétaux.
(Source : Tënk)