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Fabrice Bonardi, 

Auteur, conteur, et...

1/ Pour que nos lecteurs vous connaissent un peu, pouvez-vous nous parler de vous et vous présenter ?
D’accord, alors je commence par le début. Tout petit, j’étais fasciné par les grandes personnes qui, penchées sur des papiers avec un stylo dans la bouche et l’air compétent, tournaient des pages du bout de l’index… C’est le seul embryon de vocation dont je me souvienne (rires) ! Adolescent, j’écrivais des lettres d’amour pour le compte de camarades plus habiles à trousser une demoiselle qu’un poème. Et puis les écrits s’étaient enchaînés de façon plus professionnelle, principalement pour les autres, et en général dans leur ombre. Entre ces collaborations le plus souvent officielles (mais quelquefois secrètes…) j’ai tenté de garder un peu de temps pour des ouvrages personnels.
2/ Depuis quand écrivez-vous ? Est-ce votre premier ouvrage ?
En fait, j’écris depuis que je sais tenir un stylo ! L’idée du livre s’est imposée bien plus tard, pour se concrétiser avec l’essai Corse, la croisée des chemins, publié en 1989. Il m’a fallu ensuite quelques années de "réflexion" puisque mon premier roman, L’ombre au tableau, n’a été publié qu’en 2006… Le roman Tizzano est paru, lui, en 2009. La Corse est, j’allais dire forcément, très présente dans ces deux publications. L’essai Peut-on (encore) sauver la Corse (et les Corses) ?, paru en 2020 est comme son titre l’indique, consacré à l’île. La surface des choses est mon troisième roman La Corse y occupe une large place…

3/ Y-a-t-il un côté vécu dans votre ouvrage ? Pensez-vous que derrière votre écriture, vous parlez de vous ?
Un roman emprunte la plupart du temps des morceaux de vraie vie, plus ou moins transformée, modifiée, malaxée, dissimulée… Le narrateur de La surface des choses se retrouve d’ailleurs, au terme d’un simulacre de procès, condamné à dire la vérité : « Pas de circonstances atténuantes, pas de remise de peine, rien. J’étais atterré, livide. Dire la vérité ! Autant dire réduit au silence. Ou pire, cantonné aux faits divers. Je me trouvais alors entraîné par deux gendarmes armés de stylos chargés, prêts à tirer un trait sur toute tentative d’évasion. A l’instant d’être évacué du tribunal, je me retournais une dernière fois vers la salle, puis, les embrassant tous du regard, je criais "je suis innocent, vous n’avez pas le droit de me mettre en marge", mais les mots, figés en plein vol par l’ambiance glaçante, se brisaient au sol en mille éclats muets. La porte de la prison où on m’avait jeté était couverte de graffitis, des mots en vrac, bouffis et perclus de couleurs. Il ne me restait qu’à implorer un aménagement de peine ; la vérité, oui, mais au moins une vérité à tempérament, étagée dans le temps et soumise aux aléas de la diversion. »

4/ Pourquoi le choix du titre.... ?
Parce qu’il y a tant à découvrir, sous la surface des choses ! 

5/ Comment écrivez-vous ? Comme Amélie Nothomb qui se lève à l’aube et écrit, écrit… ? Comment, sur ce point, votre travail s’est-il articulé ?

Amélie Nothomb ! Au début du roman Tizzano, le narrateur, subjugué par son visage, avait tenté de la rencontrer au salon du livre de Paris, échouant de façon totalement ridicule (rires). Elle est d’ailleurs présente sur la couverture du livre, esquissée sur une statue menhir
de Filitosa… Pour en revenir à la question du "comment", je vais de nouveau citer le narrateur de La surface des choses :
Eh bien, disons, chacun à ses rites : des carnets, un stylo fétiche ou un bureau, certains aiment le vide autour d’eux, d’autres se font une niche au milieu des cahiers, d’autres encore élèvent des remparts de livres… Il y a des auteurs qui font des repérages, des fiches, ils sont méthodiques. Ils écrivent comme on pose du papier peint, déroulant des pans entiers d’écriture. Ce n’est pas toujours beau, d’ailleurs on appelle ça des lais. D’autres laissent tant de liberté à leur personnage qu’ils doivent quelquefois le prendre en filature. Il y a aussi ceux qui travaillent comme on peindrait, en mettant des couches de matière jusqu’à ce que l’histoire soit couverte, avant d’œuvrer au couteau. On peut inventer, puiser, s’inspirer, il y en a même qui plagient de bon cœur. Moi, voyez-vous, j’ai été condamné à dire la vérité ; alors je prends une boule de vraie vie, j’ajoute des condiments que j’avais en rayon, je malaxe et puis j’étale, comme un fond de tarte, avant de garnir avec des morceaux d’histoire.
6/ Quant à vous, quelles sont vos racines et vos liens avec la Corse ?

Mon arrière-grand-père, Bonaventure Bonardi, était du Fiumorbu, d’Antisanti très exactement. Il avait épousé une leviannaise, Madeleine de Peretti della Rocca, et fit souche à Levie. Leurs quatre enfants, deux filles et deux garçons, sont nés dans la maison de Levie ou à Ajaccio. L’une des filles est la mère de ma mère, l’un des garçons est le père de mon père...
Un des scandales de la famille ! Et puis le destin et l’Etat français s’en mêlèrent (voire s’emmêlèrent), jusqu’à une déculturation certaine : dans mes premières années, la Corse c’était l’été, c’était les vacances, c’était quelques mots de corse s’échappant ça et là, c’était le SECB et à la télé les images des événements qui secouaient l’île, des boues rouges à Aleria.
Mon "riacquistu" personnel commença en 1976, par une émission de radio ! Une nuit, quelque part dans Paris, j’écoutais par hasard Europe 1 lorsque Philippe Alfonsi et Patrick Penot diffusèrent des titres du tout premier album de Canta. J’étais bouleversé ! Transpercé
jusqu’à l’âme par ces chants, je m’étais alors senti, viscéralement, corse, et l’île ne devait
plus cesser de me hanter ! Mais comme le dit (encore lui) le narrateur de La surface des choses « les Corses qui ont grandi hors de l’île, où qu’ils soient, il leur manque toujours un ailleurs. Avec le temps, j’avais fini par comprendre que pour trouver du travail en Corse il
valait mieux monter des échafaudages qu’échafauder des hypothèses ».
7/ Avez-vous un autre projet d’écriture en cours ?
Oui, j’ai presque commencé une biographie, mais je n’ai pas encore trouvé de qui ! (rires)

8/ Un dernier mot pour conclure juste pour le plaisir…
Le plaisir, je le dois en ce moment à La surface des choses : ce roman me permet en effet de croiser des personnalités qui œuvrent assidument pour la Corse. Comme vous, par exemple, Monsieur Battesti !

Merci Fabrice pour avoir répondu "cash" à nos questions type, je me souviens il y a déjà quelques dizaines d'années de notre première rencontre, à Paris où de Corse j'avais organisé une rencontre dans une boîte de nuit, un projet comme beaucoup hélas qui n'a pas vu le jour... Vannina était prof d'italien à Paris, Jean était en recherche de contacts pour monter un projet musical et toi, Fabrice au milieu de cette faune... Nous avons sympathisé. L'ambiance était chaude, électrique comme la pédale WAH WAH... 

Les routes se séparent, pourtant la Corse nous réunira à nouveau, d'autres projets d'autres enjeux ! Ce petit pays qui resserre les liens de ses exilés...

Fabrice Bonardi un homme généreux, qui transmet cette générosité, dans ses écrits comme dans sa vie. 

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