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Le bon docteur et ses patients

Par Caroline Zahar Trevisi / 15 août 2023

"Si tu n'as pas d'argent, tant pis pour toi ! Ton mal, c'est ta pauvreté…"

 

Voici l’histoire du bon Dr Antoine El-Zoghbi, de Jean et Ziad (parmi mille autres…).

Tous trois ont en commun d’être de la même ville de Kahalé, à 14 km sur les hauteurs à l’ouest de Beyrouth. Un bourg de 13.000 âmes.

Jean y a travaillé toute sa vie dans un garage qui l’employait pour changer les pneus de tout ce qui roule…  Pas un habitant qui n’ait eu au moins une fois affaire à ses services. 

Jean a 63 ans, vit avec sa femme et un fils adulte. Réputé dans son village pour être un homme très fort, Jean a fait la guerre ; il a été blessé à une jambe, depuis devenue raide…

Ziad est jugé avoir ‘réussi’ puisqu’il est son propre patron ; il est jardinier et même en quelque sorte pépiniériste, puisqu’avec sa femme ils élèvent des plantes sous serre. Ziad se déplace avec sa camionnette dans le grand Beyrouth chez des clients dont il fait les jardins comme un paysagiste. Ziad a 50 ans et 2 enfants majeurs.

Avant l’explosion, avant l’épopée covidienne et la banqueroute du pays, sans rouler sur l’or tous deux néanmoins vivaient à peu près correctement ; et ils étaient couverts en cas de pépin par leurs assurances et la CNSS (Caisse Nationale de Sécurité Sociale).

2023 ou quand la maladie frappe…

Un jour Jean tombe malade et ne peut plus travailler. On l’avise qu’il lui faut se faire opérer des poumons, et en urgence !

Quant à Ziad, lui, ça fait quelques temps qu’il se sent mal, qu’il a des vertiges, du mal à respirer. Il se dit que c’est sans doute dû à son surpoids…et au tabac ! Ne voulant pas engager de coûteuses dépenses médicales, il décide donc d’arrêter de fumer puis se met au régime. Mais son état ne s’arrange pas… Et puis un jour, alors qu’il est au volant de sa camionnette, il est tout à coup pris d’un grave malaise et stoppe près d’une pharmacie pour se faire prendre la tension. La tension est bonne. Mais quand la pharmacienne s’avise de mesurer ensuite ses pulsations cardiaques, c’est l’alerte : 30 pulsations par minute au lieu de 80 !!! 

Transporté d’urgence à l’hôpital, après divers examens le couperet tombe : opération et en urgence ! 

Ziad panique, car cette opération signifierait pour lui et sa famille un endettement ingérable. 

Il veut quitter l’hôpital.

On l’avertit que dans ce cas, sa mort est assurée : à court ou moyen terme une crise cardiaque le foudroiera.

Jean lui aussi pense à la dette qu’il risque de laisser à sa famille. Il ne veut pas prendre ce risque et pour sa part il refuse l’opération. Au moins partira-t-il l’esprit tranquille pour les siens…

Beyrouth. L’hôpital Hôtel-Dieu de France.

Opération de Jean = 12.000$. Opération de Ziad = 15.000$. Et on n’y opère pas sans versement d’acompte…

Dr El-Zoghbi : concernant sa vie privée, disons seulement que ses frères ont sacri fié leurs propres études pour qu’il puisse faire les siennes… Parti étudier en France, il a réussi brillamment ses examens et a travaillé un temps dans le service des urgences d’un hôpital parisien. Puis il est revenu au pays.

Il aurait pu continuer sa vie en France, une vie confortable… Mais il est rentré ! Et avant d’être établi médecin, il a dû prendre part à la guerre…

Il aime son pays, sa ville natale de Kahalé, ville chrétienne, et ses habitants. Sa générosité envers ses compatriotes est sans borne. 

Chef du service des urgences à l’Hôtel-Dieu de France, Président de la Croix-Rouge au Liban, il est célèbre et célébré dans tout Kahalé et Beyrouth, aimé et respecté de tous. Cet homme plein de modestie travaille sans relâche pour soulager les malades, sans compter son temps… ni son argent !

Car il est aussi connu pour son art d’accumuler les dettes en faveur de ses compatriotes de Kahalé trop pauvres pour assumer les frais de leurs opérations. Il utilise sa renommée en se portant garant pour eux.

Jean, Ziad et notre Docteur ‘’Providence’’ :

Jean et Ziad ont donc été opérés à l’Hôtel-Dieu de France, le docteur El-Zoghbi s’étant porté garant pour eux. Un acompte a été versé, mais si l’histoire ne dit pas qui l’a versé, on le devine aisément…

Jean et Ziad doivent maintenant beaucoup d’argent, la dette court toujours, mais la garantie du Docteur a permis un échelonnement. Et si des relances menaçantes sont faites au patient, notre Providence en blouse blanche intervient à nouveau, écrit des courriers, fait des demandes d’argent par ci-par là, et des donateurs se montrent parfois. 

Jean et Ziad sont très préoccupés de savoir le Dr El-Zoghbi garant de leur dette ; car ils savent bien qu’à raison des 10 ou 20 $ que leurs familles peuvent rembourser chaque mois, jamais ils ne parviendront à éteindre cette dette.

Et c’est ainsi que, de garantie en garantie, notre Docteur a réussi à accumuler à ce jour une dette de 63.000 $ ! Sans parler de ce qu’il a déboursé par ailleurs !

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