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Le Clan des Seigneurs :
une plongée au cœur des dirigeants portuaires

Hervé Deiss Caste des PontsÉditions Max Milo

Les Éditions Max Milo publient « Le clan des seigneurs ». Un ouvrage qui nous plonge au cœur de la caste des

ingénieurs des « Ponts ». Paul-Antoine Martin nous a livré, en exclusivité, les motivations de cet ouvrage et son

expérience aux côtés de ces dirigeants.

 

Le monde portuaire a ses codes que seuls les « initiés » peuvent comprendre.

C’est pour montrer les travers des dirigeants portuaires que Paul-Antoine Martin a écrit cet ouvrage publié

aux Éditions Max Milo.

L’élite des trois grands corps d’État

Dans la présentation de l’ouvrage, l’éditeur rappelle qui sont les dirigeants des ports français. « Ils ne parlent pas aux médias, ils ne sont pas élus, on ne les connaît pas et, pourtant, ils ont le pouvoir. Parce qu’ils ont réussi dans leur jeunesse un concours prestigieux, la République les honore à vie. Elle a fait d’eux son élite. Les hauts fonctionnaires issus des trois plus grands corps d’État (Polytechnique, Ponts et Chaussées et ÉNA) veillent ainsi à la grandeur de la France. Enfin, en théorie… »

Nous sommes l’élite de l’élite

Et l’auteur a su tremper sa plume dans l’acide. Il brosse un tableau peu glorieux de ces personnes en parlant d’une « caste » avec, en filigrane, tout l’aspect péjoratif de ce terme. Paul-Antoine Martin cite un de ces dirigeants portuaires qui explique la répartition de la société. « Messieurs, dans notre pays, il y a cinquante pour cent de cons, quarante-cinq pour cent de médiocres, et cinq pour cent d’élite. Nous, nous sommes l’élite de l’élite ! »

Un livre pour une vengeance

Sans que les personnes concernées aient lu le livre, les commentaires fusent. Certains nous ont confié que derrière le pseudonyme de Paul-Antoine Martin se dissimule un homme bien connu des milieux portuaires. « Il cherche à se venger de ses propres déboires », nous a confié un responsable portuaire. Pour d’autres, il est télécommandé par une autorité de l’État en vue d’un changement radical dans la gestion des ports et du recrutement des dirigeants.

Pour Ports et Corridors, Paul-Antoine Martin a accepté de répondre à trois questions, Paul-Antoine Martin, vous avez travaillé dans le monde portuaire pendant des années : Quelles motivations vous ont poussé à dénoncer la « caste des Ponts » et pourquoi le faire sous un pseudonyme ? « Le clan des seigneurs » est une autre façon de dire « La caste du corps des Ponts ». Durant une douzaine d’années au directoire d’un GPM, j’ai pu observer de près cette « caste ». Ce que j’ai vu : d’une part, des privilèges exorbitants, doublés d’une extrême complaisance entre membres du corps, et, d’autre part, indifférence, condescendance, arrogance voire mépris à l’égard de ceux qui n’en sont pas. C’est la définition même de la caste.

Le plus grave est que ce comportement féodal ne saurait trouver un début d’excuse dans des résultats exceptionnels. En effet, ceux-ci sont catastrophiques et soigneusement masqués. Quel salarié des ports sait que l’activité portuaire française, malgré des milliards d’euros d’investissement, s’est développée de … 0,25 % entre 2000 et 2019, alors que, concomitamment, le commerce maritime mondial s’est accru de 100 % ? Pire, entre 1985 et 2021, c’est seulement +10 % d’activité en France versus +230 % dans le monde. À l’origine d’un tel échec, lequel a structurellement et durablement pénalisé la santé économique et sociale du pays, il y a, entre autres, un état d’esprit.

Une caste travaille avant tout pour se maintenir et développer ses privilèges, et non prioritairement pour le bien collectif. Les résultats évoqués en sont-ils une triste conséquence ? C’est ce que j’ai voulu dénoncer dans mon livre au travers de nombreuses anecdotes stupéfiantes, montrant des comportements effarants. Elles sont véridiques, hélas. Une autre motivation a été de révéler comment l’impunité absolue dont jouit tout membre du corps des Ponts autorise, sans risque pour leur auteur, des actes d’une extrême gravité. Ce n’est pas tolérable dans une République. Ce livre est donc une alerte. Les ports français méritent d’être conduits avec ambition et non d’être seulement une « chasse gardée ».

J’ai écrit ce livre sous pseudonyme pour que mon propos ne soit pas limité à un seul port. Il s’agit de la gestion des GPM, et plus généralement encore du pouvoir aberrant des grands corps d’État. Mes lecteurs ne s’y sont pas trompés. J’ai reçu un grand nombre de messages de soutien confirmant mon analyse, jusqu’à d’éminents polytechniciens qualifiant mon alerte d’« excellente et nécessaire ».

La « caste » des Ponts que vous décrivez apparaît comme en dehors de toute réalité. Cependant, pensez-vous que les dirigeants des ports français, métropolitains et ultramarins, soient tous à ranger dans la même catégorie ?

Par le corporatisme et l’impunité, la « caste » s’est installée de fait dans un monde virtuel, somme toute extrêmement confortable et enviable, mais qui n’est aucunement adapté à la réalité faite d’une concurrence internationale exigeante. Comme je le décris dans mon livre, l’absence de tout risque, l’emploi garanti à vie, la carrière et les hautes rémunérations assurées quels que soient les résultats obtenus, les privilèges, la culture du déni face aux erreurs commises, l’irresponsabilité organisée, et pour finir, l’attrait pour les honneurs de la nation, sont des traits propres à un fonctionnement oligarchique. Il tire toujours les hommes vers la médiocrité, que ce soit intellectuellement ou moralement, jamais vers l’excellence. Or, la médiocrité a une particularité : elle est poreuse à la corruption, qui est cynisme, mensonge, manipulation, et renversement en toute impunité des valeurs élémentaires à des fins personnelles. J’en ai largement fait l’expérience.

Le corps des Ponts se doit d’être absolument exemplaire. Il porte une mission noble, laquelle devrait dépasser l’objectif de la seule carrière et de l’impunité de ses membres. Le livre « Arrivés à bon port », édité en 2017 à l’occasion du centenaire de l’association Ports de France illustre mes propos. Ce livre est une auto-promotion des directeurs des GPM en poste en 2017, lesquels n’hésitent pas à s’y présenter, photographiés chez Harcourt, studio de luxe des stars intemporelles de cinéma. L’absence d’humilité n’est jamais bonne conseillère. Mais, j’arrive au plus inquiétant. A la fin de la préface de ce même livre, la ministre des Transports de l’époque, Élizabeth Borne (corps des Ponts), écrivait : « Nous pouvons ensemble mesurer le chemin parcouru et regarder l’avenir avec confiance ». J’ai montré à quoi ressemblait le « chemin parcouru » et, pour ce qui est de « l’avenir avec confiance », depuis 2017 les ports ont perdu 5 % de leur volume d’activité. Bref, en termes de complaisance entre membres du corps des Ponts et de déni de réalité, on fait difficilement « mieux ».

D’excellents ingénieurs des Ponts

Heureusement, j’ai eu la chance de croiser d’excellents ingénieurs du corps des Ponts, dynamiques, visionnaires et courageux. Mais, ils sont tous partis dans le privé. Peut-être était-ce leur façon de se préserver… Les dirigeants des ports français n’appartenant pas à cette « caste » n’ont pas le comportement décrit dans mon livre. J’en connais qui font un travail remarquable.

Après la lecture de ce livre, le lecteur s’interroge sur l’état actuel et l’avenir de nos ports et de leur gestion. Selon votre analyse, que faut-il changer dans la gestion des ports français pour tendre vers une nouvelle excellence ?

La phrase citée d’Élizabeth Borne pose gravement question. Elle illustre ce que le corporatisme produit de pire : privilégier l’intérêt particulier à l’intérêt collectif, et garantir impunité et amnistie. Comme je l’évoque dans mon livre, trois grands corps d’État (ENA, Mines et Ponts) se sont accaparés l’État. Le corps des Ponts s’est approprié, entre autres, la gestion des grands ports maritimes. La question à se poser est : qu’en a-t-il fait ? La comparaison avec les ports européens apporte une réponse cinglante. À cela, les directeurs de GPM réagissent en renvoyant la faute soit sur l’État, soit sur la CGT. J’invite les lecteurs à s’intéresser à la hiérarchie de la DGITM, du sous-directeur des ports à la DGITM, ainsi qu’à celui des membres du cabinet ministériel.

Ils découvriront qu’ils sont tous du corps des Ponts. Comment imaginer dans ces conditions une gestion loyale des ports ? Quant à la CGT, il existe des syndicats forts dans les ports européens. Mais, il est une certitude : aucun pays étranger possède une telle « caste » pour gérer les ports.

Pour répondre à votre question, premièrement, je dirai donc qu’il y a urgence à casser la mainmise du corps des Ponts sur les ports ainsi que l’entre-soi, étouffant et a minima infécond, dont il se nourrit pour s’assurer impunité et carrière facile. Il faut que des profils nouveaux et divers apportent aux ports un souffle fort, des visions et des pratiques nouvelles afin de libérer les volontés et les initiatives.

Deuxièmement, les ports regorgent de bonnes volontés, d’enthousiasme et d’idées innovantes. Cependant à de nombreuses reprises, j’ai pu être témoin, comme beaucoup d’anciens collègues, de l’absence d’ambition de l’association Ports de France mais, surtout, de sa capacité « d’éteignoir » dont elle fait presque systématiquement preuve. C’est absolument incompréhensible. Cette association devrait faire confiance aux salariés des ports, avoir le courage de sortir de son archaïsme frileux, et incarner un véritable dynamisme au service des ports. Mais pour cela, encore faudrait-il, il est vrai, avoir un dessein pour eux. Enfin, comme je le montre dans mon livre au travers d’anecdotes, tantôt révoltantes, tantôt d’une extrême gravité, il me semble qu’un réarmement intellectuel et moral de cette « élite » soit nécessaire.

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