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Haut conseil pour le climat : le projet de loi climat "doit renforcer la stratégie de décarbonation"

Avant son passage devant le Parlement, le Haut conseil pour le climat appelle à renforcer les mesures retenues dans le projet de loi climat au regard de la Stratégie nationale bas carbone pour garantir l'atteinte des objectifs climatiques en France.

Gouvernance  |  Rachida Boughriet  |  Actu-Environnement.com

Ce mardi 23 février, le Haut conseil pour le climat (HCC) publie son avis portant sur le projet de loi climat et résilience, avant son examen à l'Assemblée nationale à partir de début mars. Le HCC s'est autosaisi pour rendre cet avis qui ne vise pas à produire une contre-expertise de l'étude d'impact du texte. Son rapport ne juge pas non plus de « la portée et de la reprise des mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat », a souligné Corinne Le Quéré, présidente du HCC, devant la presse. Le HCC a étudié la contribution du projet de loi « dans son ensemble » à la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et émet des recommandations « pour s'assurer que les objectifs climatiques soient atteints ». Il a aussi analysé la qualité de l'étude d'impact du texte, en s'appuyant sur le rapport du HCC publié en décembre 2019 « sur l'évaluation des lois au regard du climat ».

« Rattraper le retard » de la France sur sa transition bas carbone

Mme Le Quéré rappelle que la France est « en retard » dans ses objectifs climatiques et dans l'atteinte de la neutralité carbone d'ici 2050. Or, « la décennie en cours est cruciale pour réaliser les changements structurels qui sont compatibles avec les objectifs climatiques », prévient-elle.

Selon l'étude d'impact réalisée par le Gouvernement, le projet de loi contribuerait à « sécuriser l'atteinte d'entre la moitié et les deux tiers du chemin à parcourir entre les émissions en 2019 et la cible de 40 % de réduction des émissions en 2030 », indique le HCC. Soit une réduction de 112 millions de tonnes d'équivalent carbone par an (Mt éqCO2/an). Mais Corinne Le Quéré déplore que « l'opportunité de rattrapage de la France [dans l'atteinte de ses budgets carbone] offerte par cette loi ne soit pas entièrement saisie au sein du texte actuel ».

Le HCC attend du Parlement qu'il puisse « mieux inscrire » les mesures du texte dans l'approche « plus large de la stratégie de décarbonation, afin de rattraper le retard de la France sur sa trajectoire d'émissions et de respecter les prochains budgets carbone ». Le HCC attire aussi l'attention sur le calendrier de mise en œuvre des actions, « afin de tripler le rythme de baisse des émissions attendue à partir de 2024, et pour respecter le budget carbone de la période 2024-2028 », précise Mme Le Quéré. « Ces recommandations sont d'autant plus nécessaires que le rehaussement de l'objectif européen de réduction des émissions de 40 à 55 % en 2030 par rapport à 1990 pourrait impliquer un rehaussement de l'effort français », souligne Mme Le Quéré.

De nombreuses mesures au potentiel amoindri de réduction des émissions

Le HCC a évalué la pertinence des mesures du projet de loi pour réaliser la SNBC. Ces mesures « vont dans le bon sens » mais le projet de loi « manque de portée stratégique », estime le HCC. Le projet de loi comporte soixante-neuf mesures qui peuvent être divisées entre celles qui visent à améliorer le pilotage et la conduite de la transition bas carbone. Et celles qui ont pour objectif d'encadrer la réduction des pratiques émettrices. Le texte inscrit de « nombreuses mesures » visant à l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre (GES), observe le HCC.

 

La plupart des 21 mesures quantifiées par l'étude d'impact ont un effet potentiel limité sur le niveau des émissions, soit à cause de leur périmètre d'application restreint ou des délais allongés de mise en œuvre.  Le HCC

 

Toutefois, « la plupart des vingt-et-une mesures quantifiées par l'étude d'impact ont un effet potentiel limité sur le niveau des émissions », critique-t-il. Le HCC pointe le périmètre d'application « restreint », des délais « allongés » de mise en œuvre des mesures (échéances à 2024, 2025, 2030...) ou encore « de nombreuses conditions » associées à leur application. Par exemple, l'article 4 visant à réguler la publicité ne porte que sur les énergies fossiles et « non plus largement sur un ensemble de biens et services manifestement incompatibles avec la transition, tels que les véhicules lourds et peu aérodynamiques (SUV, etc.) ou certains produits alimentaires ».

Autre exemple : dans le secteur du bâtiment, les articles 41 et 42 interdisant l'augmentation des loyers pour les passoires thermiques ainsi que la location des passoires thermiques en 2028, « ne s'appliquent pas aux propriétaires occupants et ne prévoient pas d'extension progressive aux autres classes énergétiques ». Tandis que l'article 60 relatif à la qualité des repas proposés dans les services de restauration collective publique ne prévoit une extension à la restauration collective privée qu'à partir de 2025.

Le HCC a aussi analysé les réformes proposées dans le texte par rapport au dispositif législatif et réglementaire existant et leur contribution « aux orientations stratégiques de la SNBC ». Dans le secteur des bâtiments, l'analyse des mesures du projet de loi montre une « valeur ajoutée très marginale aux orientations de la SNBC », constate-t-il. Le HCC juge nécessaire de définir une trajectoire d'« obligation » de rénovation des bâtiments (logements et bâti tertiaire) « qui serait cohérente avec la SNBC, en s'échelonnant dans le temps jusqu'à l'atteinte de la neutralité carbone en 2050 ». S'agissant de l'affichage environnemental, le projet de loi « n'offre aucune garantie qu'un seul bien ou service fasse un jour l'objet de cette obligation », regrette-t-il également. Le HCC demande de préciser les critères de généralisation des expérimentations prévues sur l'affichage environnemental et de définir « un objectif de couverture des secteurs émetteurs concernés ».

Le Parlement devra « compléter et améliorer » la portée des mesures

« Pour essayer de redresser le tir » du projet de loi, le HCC juge « important d'intégrer l'approche stratégique de la SNBC dans la diversité des propositions de la Convention citoyenne pour le climat ». L'examen du texte par le Parlement devra permettre « de compléter et d'améliorer la portée des mesures proposées, y compris sur le pilotage et la conduite de la transition, pour que les objectifs annoncés soient atteints », ajoute le HCC.

Après la promulgation de la loi, le Gouvernement devra également « s'assurer de la compatibilité des décrets d'application avec les budgets carbone de la France et les enjeux de transition juste », ajoute le HCC.

Rachida Boughriet, journaliste
 

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