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Comment un traité signé en 1994 plombe la transition écologique ?

Alexandre-Reza Kokabi (Reporterre)
 

C’est la nouvelle enquête, dévoilée ce 23 février, du groupement de journalistes Investigate Europe : le Traité sur la charte de l’énergie. Il permet aux géants des énergies fossiles de dissuader les États d’instaurer des politiques climatiques volontaristes. Qu’est-ce que ce traité ? Peut-on en sortir ? Reporterre fait le point...

C’est un traité méconnu, mais aux effets désastreux.

« Il rend l’action climatique plus coûteuse, plus difficile et plus lente », pour Amandine Van Den Berghe, juriste au sein de l’organisation environnementale Client Earth. Le Traité sur la charte de l’énergie (TCE) est un outil très utile aux investisseurs et aux entreprises des énergies fossiles : ses mécanismes permettent de dissuader ou de sanctionner les pouvoirs publics qui adoptent des mesures favorables à la lutte contre le réchauffement climatique. À cause de lui, tout pays voulant interdire les projets de forage ou d’extraction minière s’expose à des réclamations et des dédommagements.

Cette mésaventure est arrivée aux Pays-Bas. Après avoir été condamné pour non-respect de ses engagements climatiques à la suite de l’« affaire Urgenda » et au jugement historique de la Cour suprême de son pays, l’État néerlandais a décidé de sortir du charbon d’ici à 2030. Le 4 février, le conglomérat allemand RWE, s’estimant lésé par la fermeture d’une de ses centrales à charbon, a annoncé qu’il attaquerait les Pays-Bas. Pour son manque à gagner, l’énergéticien réclame une compensation de 1,4 milliard d’euros, en vertu du TCE.

Selon une enquête du groupement de journalistes Investigate Europe, parue ce mardi 23 février, les infrastructures fossiles protégées par le TCE dans l’Union européenne, la Grande-Bretagne et la Suisse représentent 344,6 milliards d’euros, soit le double du budget annuel de l’UE. Les trois quarts des investissements protégés sont les infrastructures gazières et pétrolières (126 milliards d’euros) et les pipelines (148 milliards). Des révélations qui sont l’occasion de faire le point sur ce traité méconnu.

Qu’est-ce que le Traité sur la charte de l’énergie ?

Signé le 17 décembre 1994, le TCE est entré en vigueur en 1998 et compte, à ce jour, cinquante-trois parties prenantes, dont l’Union européenne (UE) et tous les pays de l’UE — sauf l’Italie, qui s’est retirée en 2016 —, le Japon, l’Australie, ou encore la Turquie. « Son objectif initial était de sécuriser l’approvisionnement en énergies fossiles des pays d’Europe de l’Ouest à partir des pays issus du bloc soviétique », explique à Reporterre Yamina Saheb, experte des politiques énergétiques et ancienne responsable de l’unité efficacité énergétique du secrétariat international du TCE.

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