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La fonte des glaciers due au réchauffement climatique

15 juin 2023

La fonte des glaciers due au réchauffement climatique n’affecte pas que la nature : les hommes aussi paient le prix de la disparition progressive de ces réservoirs d’eau douce qui font également office d’indicateurs en temps réel de l’état du climat. Pour le raconter, le reporter italien Sergio Matalucci est allé à la rencontre des communautés qui subissent de plein fouet l’impact de la mort de “leur” glacier. Nous publions cette semaine la première partie de son reportage, dans les Abruzzes.

Afin de tenter d’inverser la machine de la crise climatique, l’Union européenne s’est dotée d’un ambitieux programme visant à réduire à zéro les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 – le Pacte vert européen. Mais les Etats membres jouent-ils le jeu et font-ils leur part ? Pour suivre de près les progrès – ou pas – réalisés par les différents gouvernements et les tenir pour responsables de leur éventuelle inaction, le journaliste britannique Ajit Niranjan et nos partenaires de Deutsche Welle à Berlin ont décidé de suivre quelques indicateurs-clé de près.
Vous vous souvenez sans doute de l’enquête-fleuve réalisée par Stefano Valentino et Emanuela Barbiroglio sur la finance verte et l’implication de Michelin et BNP Paribas dans un vaste projet qui s’est révélé être en partie de l’écoblanchiment. Dans un podcast en deux parties, Stefano raconte à Alexander Damiano Ricci les dessous et les enjeux de son investigation (en anglais). Toujours en matière d’environnement, nous vous invitons également à regarder la vidéo du Live que nous avions organisé avec Jelena Prtoric et Luisa Izuzquiza, auteures de l’enquête sur la qualité de l’eau en Europe.

À la fin de la saison hivernale, Pietracamela (dans la région méridionale des Abruzzes) ressemble à un village fantôme : un seul chien qui aboie, quelques rideaux qui bougent derrière des fenêtres aux cadres en bois. Entre les deux plus hauts sommets des Apennins, le glacier craque, la glace fond et se transforme en eau. Au printemps, les avalanches sont fréquentes. Mille mètres en aval, les torrents grossissent et les habitants de Pietracamela gèrent les problèmes.

Les montagnes européennes se réchauffent presque deux fois plus vite que le reste du continent, ce qui laisse entrevoir l'avenir : les phénomènes météorologiques, et leurs conséquences, seront de plus en plus extrêmes. Dans les montagnes, les chutes de neige sont plus rares ou extrêmement intenses, les conditions météorologiques changent de manière inattendue et les glaciers reculent inévitablement. Et avec eux, les communautés locales.

La situation du village au pieds du Gran Sasso, le plus haut sommet d'Italie centrale, en est un exemple éloquent. L'époque où Pietracamela était une destination touristique à la mode, avec trois discothèques et un piano-bar, n'est plus qu'un souvenir : la station-service utilise encore l'ancienne monnaie (la lire) et les quatre hôtels de luxe sont fermés pendant l'hiver.

Le Calderone, la glacier du Gran Sasso, l'un des plus méridionaux d'Europe, est en train de perdre son statut. Ou plutôt, techniquement, il l'a déjà perdu.

Entre 1999 et 2000, il s'est séparé en deux éléments plus petits, deux “glacionevati” selon la terminologie scientifique. Ce processus, qui a fait du Calderone un "système glaciaire", s'est produit parallèlement au raccourcissement de la saison de ski.

Pietracamela, en mai 2023. En arrière-plan, le Corno Grande du Gran Sasso (2 912 m). | Photo : ©Sergio Matalucci

Les plus anciens se souviennent que, sur les pentes de Prati di Tivo, on pouvait skier de novembre à mai, voire plus longtemps sur le glacier. Aujourd'hui, les premières chutes de neige surviennent souvent après le Nouvel An. “Au cours des cinq à dix dernières années, les chutes de neige ont été rares en hiver, mais très fréquentes en avril et en mai", confirme Massimo Pecci, l'expert du Comité glaciologique italien pour le Calderone. Pecci, qui est également professeur universitaire de glaciologie et de nivologie, explique que la situation est semblable pour de nombreuses communes de montagne parmi les 4 000 que compte l'Italie.

Les remontées mécaniques ne fonctionnent pas pour le moment et les systèmes d'enneigement artificiel restent inactifs, même s'ils pourraient être utiles au début de l'hiver. En hiver et au printemps, il n'y a plus que des touristes intéressés par le ski de randonnée, une pratique qui prévoit de remonter ski au pieds les pentes et qui est donc moins rentable pour les entreprises locales.

Première conclusion possible : la modification des précipitations est le principal facteur influençant le tourisme hivernal. D'une certaine manière, l'interprétation est correcte : Pasquale Iannetti, mon guide sur le glacier, affirme qu'habituellement la randonnée de Prati di Tivo à Calderone dure trois heures, mais que le 1er mai, elle en a duré presque dix, car "les conditions d'enneigement étaient sans précédent lors de la montée. La neige était extrêmement lourde". En d'autres termes : dangereuse.

Souligner l'importance du tourisme hivernal et les difficultés qu'il rencontre est toutefois une simplification. La réalité ressemble davantage à un cercle vicieux complexe : les activités hivernales étant plus exigeantes et plus coûteuses à organiser, les villages de montagne ont des revenus moins stables, ce qui attire moins de touristes locaux ; le soutien aux nouveaux investissements publics, y compris les infrastructures, diminue en conséquence, et ainsi de suite

 

En Italie, une communauté de montagne s’évapore dans les Abruzzes à cause de la fonte de “son” glacier
Sergio Matalucci

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