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Norbert Paganelli

 

Vit à Ajaccio

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Né en 1954 à Tunis, Norbert Paganelli a passé son enfance à Sartène avant de connaître les paysages d’Algérie et la région parisienne où il effectua ses études supérieures (DESS de droit public et doctorat es science politique).

Malgré une carrière de cadre supérieur de la fonction publique d’Etat, son goût pour la poésie l’a amené à signer plusieurs ouvrages : Soleil entropique (1973), Sept chants pour l’amnistie (1978) avant de s’investir pour la création en langue corse qu’il présente toujours en édition bilingue.

 

Après A Petra ferta/la Pierre blessée, A Fiara /La Flamme, Invistita/Errance et Mimoria arghjintina/Un sel d’argent, il obtient le premier prix de poésie corse à Santa Teresa di Gallura en 2009, le Prix de la création littéraire de la CTC en 2014 pour Da l’altra parti/De l’autre côté, le prix du livre corse en 2015 pour le même ouvrage et, en 2016 Canta à i sarri/Chants aux crêtes vient d’obtenir le prix Don Joseph Morellini attribué par le Conseil général de Haute Corse.

 

 

 

La poésie a-t-elle un avenir

 

Norbert Paganelli a publié de nombreux ouvrages de poésie en édition bilingue corse/français et a été couronné à de nombreuses reprises : Prix Santa Teresa di Gallura en 2009, Prix de la CTC en 2014, Prix du livre corse en 2015, Prix du Conseil départemental de Haute Corse en 2016, ses textes sont aujourd’hui considérés comme représentatifs d’une génération née avec le riacquistu mais qui prend ses distances avec cette époque afin de mieux embrasser la modernité. Son activité ne se limite pas à l’écriture, il intervient également dans les écoles, les médiathèques grâce à son association qui a pour ambition de mieux faire connaître la poésie contemporaine.

 

Tu as créé, il y a trois ans, l’association PERFORMANCE dans le but de populariser la poésie contemporaine…   Facile ?

Rien n’est facile, surtout en Corse, mais trois ans après nous en sommes à plus de quarante représentations, à des dizaines d’interventions dans les écoles et les médiathèques et le tout sans avoir demandé un seul centime à la collectivité. Je peux donc dire que nous avons gagné notre pari.

Cette structure propose des Escales poétiques, de quoi s’agit-il exactement ?

Henry Dayssol et moi-même sommes partis du constat que bien des poètes plombent littéralement la poésie en proposant des lectures soporifiques qui ne mettent pas en valeur les textes. Nous avons pensé qu’il fallait dynamiser tout cela, introduire un fond musical, utiliser les techniques de la mise en scène, varier les genres afin faire connaître au public le véritable visage de la poésie. De fait, les gens viennent nous voir après le spectacle (car il s’agit vraiment d’un spectacle) en nous disant qu’ils sont, désormais, réconciliés avec la poésie.

Tu me disais que ce n’était pas facile…D’où viennent les difficultés ?

Des corses eux-mêmes qui hésitent à s’investir, qui nous sollicitent sans rien donner en échange ou qui ergotent sur des points accessoires. Je m’explique : si je travaille avec Henry Dayssol, qui est d’origine occitane mais qui réside depuis de longues années à Bastia, c’est qu’il n’a pas été possible de travailler avec les gens d’ici. Pourquoi ? Parce qu’il y a toujours une raison pour ne pas faire, pour différer ou pour ne pas tenir un engagement. Monter une lecture spectacle c’est un travail, il y a des règles à respecter afin d’éviter l’amateurisme. On a l’impression que ces contraintes objectives paraissent insurmontables à nos compatriotes. Autre pratique qui plombe les initiatives : les demandes de services : pouvez-vous nous aider à.. ? Ce serait bien si vous faisiez pour nous… On aurait besoin de vous pour… Le problème est que si l’on répond à toutes ces demandes, nous ne faisons plus rien, nous devenons les exécutants de personnes ou d’organismes qui ne savent même pas dire merci … Dernier exemple : les textes qui sont lus sont, à 50%, des textes d’auteurs insulaires originaires des 4 coins de Corse…Les gens sont prévenus, comme ils sont prévenus que la langue corse est polyphonique… Pourtant, presque à chaque fois, nous avons droit à ce genre de remarque : « Ils y en a qui écrivent d’une manière un peu curieuse parce que chez nous on ne prononce pas de la même manière… ». Bref les sempiternelles ritournelles sur les différentes variantes de la langue…

Que fais-tu face à cela ?

Avec Henry Dayssol nous avons choisi d’avancer, de dire non à certaines demandes unilatérales et de rappeler aux pinailleurs que la société corse est diverse comme est divers le monde. Nous disons aussi que si ces personnes veulent entendre ce qu’ils ont toujours entendu, il ne faut pas qu’ils viennent nous écouter. La poésie dérange et notre pratique bouscule un peu les habitudes mais nous n’avons jamais dit que nous allions chanter des berceuses pour accompagner les siestes. La poésie n’est pas faite pour faciliter les digestions difficiles, elle est là pour interpeler !

Tu as longtemps vécu sur le continent, est-ce que ce genre de choses ne se retrouve pas également de l’autre côté de la méditerranée ?

Je suis formel : non ! J’avais mis en place, dans le Centre de la France une initiative de même nature et les choses tournaient pratiquement d’elles-mêmes…Non, il y a bien des pesanteurs, des habitudes, des interdits qui rendent difficiles toutes les initiatives. Je dirai, en simplifiant que ce qui est facile sur le continent devient difficile ici et que ce qui y est difficile devient chez nous presque impossible.

Tu disais que ton association fonctionne sans subvention…Pourquoi ?

Parce que nous sommes contre le principe des subventions ! Ici, on a l’impression que la première fonction d’une association est d’obtenir une subvention et que cela est un droit…Je regrette mais je trouve anormal le recours systématique à cette sorte de mendicité institutionnalisée ! Une association peut obtenir des ressources par d’autres moyens, par exemple en facturant ses prestations (c’est ce que nous faisons). Nous n’excluons pas les partenariats avec les collectivités publiques sur une base claire identifiant les obligations partagées mais nous refusons le principe de la subvention sans contrepartie.

Est-ce une manière d’assurer votre indépendance ?

Oui aussi…La poésie n’est pas à vendre, d’ailleurs elle n’a pas de prix… Mais je crois que ce qui nous guide, avant tout, c’est un esprit de responsabilité. Dépendre des pouvoirs publics et des subventions c’est ne pas s’assumer alors que si on s’en donne la peine on peut obtenir des ressources en échange d’une prestation.

Comment se porte la poésie en Corse et ailleurs ?

En Corse, elle vivote car le public est restreint, en France elle agonise un peu pour les mêmes raisons et ailleurs c’est très variable : elle se porte très bien au Portugal, en Palestine, dans le Maghreb, elle est chancelante dans beaucoup d’autres pays. Mais, je le redis, cela provient en grande partie des poètes eux-mêmes qui ne veulent pas s’adapter aux exigences du public. Ce dernier ne peut se contenter d’une simple lecture improvisée, il veut une prestation de qualité, de l’innovation, il veut être surpris, intrigué, séduit…

Mais pourquoi ces préalables alors que le roman, l’essai ou la nouvelle n’exigent pas ces efforts ?

Un roman, un essai ou un récit sont faits pour être lus…La poésie est faite pour être entendue…N’oublions pas qu’à l’origine poésie et chant allaient ensemble, c’est d’ailleurs pour cela que l’on parle de poésie lyrique… Enfermer la poésie dans le cadre étroit de la page d’un livre c’est, quelque part, la mettre au musée, donc l’embaumer alors qu’elle est faite pour embaumer la vie !

Donc on pourrait supprimer les livres de poésie ?

Je crois que c’est un peu ce qui en train de se passer…Certes l’ouvrage de poésie existe encore et existera peut-être toujours surtout s’il s’agit d’un beau livre mais le net a complètement changé la donne…Un ouvrage de poésie est un recueil de textes généralement courts et rien n’empêche un auteur de publier sur son site sa production, rien n’empêche non plus son lectorat d’imprimer les textes qui lui plaisent. C’est beaucoup plus simple que pour un roman ou un essai de 250 pages !

Il faut se rappeler que durant la Résistance, les poèmes étaient souvent imprimés sous forme de tracts, le célèbre poème d’Eluard «Liberté » fut largué par les avions alliés sur le territoire occupé afin de redonner espoir…

Plus près de nous, en mai 68, des poèmes furent tirés avec des moyens de fortune et affichés sur les murs des usines…On voit bien que la poésie peut se marier avec toute forme de supports et qu’il est donc naturel qu’elle investisse aujourd’hui la toile.

Quel est donc l’avenir de la poésie ?

Son avenir est dans les mains des poètes eux-mêmes ! Il faut qu’ils sortent de leurs tours d’ivoire, qu’ils aillent au-devant du public, qu’ils écoutent et qu’ils échangent davantage entre eux…Aujourd’hui ce n’est pas vraiment le cas, surtout en Corse ou chaque poète est scotché dans sa microrégion et ne fréquente que son clan, constitué des amis, des fidèles et de tous ceux qui disent « amen » à la moindre de ses paroles… Cela tue véritablement la poésie qui a besoin d’air pur et de confrontations !

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