MEDIA CORSICA
Qui est Gérard Bensussan ?
Pour le livre
1 Question : Pour que nos lecteurs vous connaissent un peu, pouvez-vous nous parler de vous et vous présenter ?
Vous savez ce que disait Heidegger de la vie d’Aristote : il est né, il a travaillé, il est mort. Les philosophes sont toujours pudiques lorsqu’il s’agit de parler d’eux-mêmes, de leurs existences, ils se cachent sans doute derrière leur pensée. Je ne fais pas exception, même si j’ai toujours considéré que les biographèmes et les philosophèmes n’étaient jamais étrangers les uns aux autres. Je suis né en Algérie, arrivé en France à l’âge de 13 ans, j’ai eu une vie militante, une autre vie, et j’ai enseigné la philosophie, non seulement en France mais dans de nombreux autres pays.
2 Question : Depuis quand écrivez-vous ? Est-ce votre premier ouvrage ?
Non, j’ai écrit une vingtaine de livres de philosophie, sur des questions de politique et de morale, sur le temps, sur l’altérité, sur le rapport de la philosophie à la littérature, sur la tradition de ce qu’on appelle l’idéalisme classique allemand et sur une autre tradition aussi, celle de la pensée juive.
3 Question : Pourquoi cette envie de philosophie, philosopher ?
La philosophie est pour moi comme un langage, très singulier, qui permet de parler de soi sans en parler, mais de manière adéquate, comme ne peuvent le faire ni la littérature ni, évidemment, la science. Les grands événements d’une vie, la philosophie est, parfois, pas toujours, capable de les thématiser, d’en faire des concepts. Je dirais même que sans ces expériences préphilosophiques, la philosophie dépérirait faute de nourriture substantielle. Elle vient après et il lui faut essayer de scruter toute cette masse qui se tient là, bien avant elle.
4 Question : Pourquoi ce titre, « Miroirs dans la nuit » ?
Il s’agissait pour moi de revenir sur Hegel et de m’expliquer avec lui. C’est un penseur qui m’a toujours accompagné, mais à la façon d’une ombre ou d’un adversaire dont j’avais constamment à éviter les pièges et le prestige. Et pour comprendre sa philosophie de l’Esprit, je le dis de façon simple et brève, trop simple et trop brève, j’ai eu recours à une métaphore qu’on trouve déjà, d’une autre manière, dans Faust : un miroir, dans la nuit noire, ne reflète ni ne réfléchit rien que le rien, or la puissance de l’Esprit, au sens de Hegel, c’est de faire advenir l’infime d’une lumière par cette rencontre de la nuit et des miroirs, une lueur qui s’exhausse en gloire, et par là de produire de la positivité à partir de la négativité. L’Esprit, ce serait ainsi cette puissance productive…
5 Question : quels sont les philosophes que vous jugez incontournables et qui peut-être ont marqué votre envie de philosophie ?
Il y en a tant. Pour moi sûrement les Allemands, comme je vous l’ai dit. Hegel, j’y consacre ce dernier livre, Kant, Schelling, Nietzsche et, de façon massive et comme les englobant tous à sa façon si particulière, Emmanuel Levinas, le penseur de l’évasion et du visage, de ce qu’il appelle la merveille de l’extériorité.
6 Question : Comment écrivez-vous ? Comme Amélie Nothomb qui se lève à l’aube et écrit, écrit… ?
Oui, je ne savais pas, mais en effet je ne peux écrire qu’à l’aube et jusqu’au milieu de la matinée, comme si la naissance du jour était propice à la venue silencieuse des pensées. Après vient le temps de l’affairement quotidien, des échanges parlés, de la vie commune -bref des activités sociales partagées.
7 Question : Quant à vous, avez-vous des liens avec la Corse ?
J’en ai, oui… Et en même temps, la Corse, les Corses, je les connais peu et mal. Et pourtant, depuis toujours, une empathie, un élan, un amour même pour elle, pour eux, sans trop savoir pourquoi.
8 Question : Avez-vous un autre projet d'écriture en cours ?
Oui, plusieurs, une méditation sur la politique et la démocratie, tant soupçonnée, voire décriée de nos jours ; et un vaste recueil composé de textes à la lisière de la philosophie et de la littérature, de la poésie.
9 Question : Un dernier mot pour conclure juste pour le plaisir…
Un mot pour moi-même : se donner toujours, lorsqu’on fait de la philosophie et qu’on l’écrit, la tâche de ne rien céder sur le réel, les choses, le monde, l’extériorité, et donc de ne jamais concéder à la pensée autre chose que ce qui lui revient…
Lien vers le livre Miroirs dans la nuit...