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Thémistocle

La liberté ou la mort

Bien plus qu’un roman historique, Thémistocle (éditions H&O, 2021) est une magistrale leçon politique.

Avec cet ouvrage, Olivier Delorme signe sans doute son œuvre la plus exceptionnelle.

 « La force n’est rien, tant que le faible n’a pas accepté sa faiblesse et la servitude qui en découle. »

La liberté et l’indépendance des peuples ne se conquièrent qu’avec une détermination inflexible. Ce n’est

pas le moindre des enseignements de Thémistocle, livre surgi comme un météore du firmament littéraire.

Notre classe politique actuelle (et les « souverainistes », de toutes tendances, concentrés sur leurs

pitoyables et picrocholines dissensions, n’en sont point exclus) qui rivalise de pusillanimité et de lâcheté

dans le confort de son inaltérable médiocrité, ferait bien de s’inspirer de ce maître- livre. La bataille de

Salamine, la figure historique de Thémistocle, constituent le sujet principal du roman d’Olivier Delorme,

mais elles n’en sont pas moins les éléments métonymiques de cette autre guerre, inexpiable, exactement

contemporaine celle-là, certes d’une nature différente mais tout aussi redoutable, où menacent de

s’engloutir les peuples européens. Le message parcourt le livre comme un leitmotiv : « en politique, plus

on est vulnérable, plus on doit, être intraitable. C’est toujours le plus résolu, non le plus fort, qui fait basculer

le destin de son côté ».  

Le récit des négociations complexes entre Athènes et Sparte (à bien des égards, une Prusse dans l’antiquité), préludes des terribles conflits à venir entre les deux cités, suffirait, à lui seul, à faire comprendre au lecteur la troublante résonance des propos tenus par Thémistocle avec les problématiques politiques contemporaines. Le livre d’Olivier Delorme fait la démonstration implacable qu’il n’y a pas, qu’il n’y aura jamais, de compromis possible avec les oppresseurs, pas plus qu’avec ceux qui les servent. Ruses, artifices, subterfuges, tous les moyens doivent être employés pour les combattre. Et les portraits au vitriol des « eupatrides » d’Athènes (l’équivalent, mutadis mutandis, de nos oligarques actuels), prêts à toutes les bassesses pour conserver leurs privilèges, au mépris des libertés démocratiques chèrement conquises par le peuple grec, sont autant de flèches létales que décoche impitoyablement l’auteur, sans jamais rater sa cible.

De la tragédie à l’épopée, de l’art du dialogue à la dimension épique du texte, l’auteur de Thémistocle a tout maîtrisé. C’est pour cela qu’Olivier Delorme est un si grand conteur. Des scènes, si étincelantes et raffinées, du Banquet, donné en l’honneur d’Eschyle, en passant par l’atmosphère spectrale et shakespearienne du récit de Sikinnos, rapportant son entrevue terrifiante avec le perse Ariabignis, le récit conduit le lecteur, comme sur un fleuve impétueux, au cœur de l’action, multipliant les voix polyphoniques ; celles des acteurs majeurs de la bataille de Salamine, comme celles, en contrepoint, des citoyens ordinaires, métèques, affranchis, esclaves. Le personnage de Thémistocle, tantôt sensuel et tendre, tantôt impitoyable et de mauvaise foi, mais toujours intraitable sur la question cruciale des libertés du peuple grec, n’est qu’un des chefs d’orchestre, certes majeur, de cette sublime partition littéraire. Pages également admirables que celles consacrées aux jeux panhelléniques et aux prouesses sportives de l’athlète Stisiléos, figure solaire, amant et chroniqueur de Thémistocle. Prouesses athlétiques sous la triple dimension symbolique du sacré, de la guerre et de la mort répondant à l’ostracisme et à l’exil de l’homme politique. Jusqu’à l’ultime et sublime scène funèbre où le vainqueur de Salamine se donne la mort, avec l’assistance de Stisiléos « l’heure de donner à l’amant ce qu’il lui réclamera ». « Notre dernière façon d’être ensemble avant de nous retrouver aux enfers, lorsque tu auras rempli ta vie. Si les enfers et les dieux existent. » 

Jadis, un général français inconnu, en exil sur une île, alors que tout semblait perdu, porta l’appel à la résistance et à la poursuite du combat contre l’oppresseur. Thémistocle fut conçu et écrit sur une île volcanique, Nisyros, au cœur de la mer Egée. Il y a là un signe du destin. Il y eut Le Colosse de Maroussi, si cher à Henry Miller. Il y aura désormais Olivier Delorme, Le Colosse de Nisyros.

Stéphane Balthazard

 

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EN RÉSUMÉ

Il y a 2 500 ans, dans une Athènes où la démocratie, encore en devenir, est contestée par ceux qui ont tout mais n’ont pourtant jamais assez, un homme contribue à l’enraciner tout en devenant l’âme de la Résistance à l’invasion perse.
Il s’appelle Thémistocle.
Clairvoyant et provocateur, maître dans l’art de la ruse, stratège d’exception et premier des « grands hommes » athéniens à sortir d’une famille obscure, il est à la fois l’artisan de la décisive victoire navale de Salamine, le promoteur de réformes démocratiques et celui qui va donner à Athènes, face à la militariste Sparte, les instruments de sa puissance et de son rayonnement pour le siècle qui suit.
Mais les peuples se fatiguent de ceux qui veulent les mener trop haut et ceux qui, à Athènes, entendent rétablir le pouvoir des « bien nés et bien nantis » n’auront de cesse de l’abattre.
Ostracisé, proscrit, Thémistocle termine sa vie en exil… sans avoir jamais renoncé à prendre sa revanche.

À partir de textes antiques lacunaires, Olivier Delorme nous entraîne dans une Athènes où l’on ne recule devant aucun moyen pour assouvir ses passions et ses haines. Mais ce thriller politique intense est aussi le portrait complexe d’un homme et de sa longue amitié amoureuse avec l’un des meilleurs athlètes de son époque, métèque devenu citoyen.

De l’Assemblée du peuple au stade, du champ de bataille à Olympie, de l’antre de la Pythie de Delphes au banquet ou au théâtre, c’est toute une époque qui revit, celle où s’élabore le classicisme grec qui a donné ses fondements à notre civilisation.

« Il y a dans tant de nous, de notre époque, de nos doutes et de nos espoirs dans l’histoire de cet athénien qui a voulu rendre aux Grecs leur liberté et leur dignité. Au-delà du plaisir romanesque, le lecteur attentif y trouvera bien des ressources pour penser notre condition politique. C’est le double avantage des grands romans historiques. Thémistocle est de ceux-là. »

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