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ENTRETIEN. Covid-19 en Chine : "On va vers un désastre humanitaire sans précédent", alerte l'épidémiologiste François Balloux

    

Coronavirus - Covid 19Vaccins contre le Covid-19, Publié le 21/12/2022 à 11:20

Hôpitaux engorgés, crématoriums saturés, taux de vaccination désastreux... La fin de la stratégie "zéro-Covid" en Chine laisse craindre un rebond sans précédent des contaminations. François Balloux, épidémiologiste et directeur de l’Institut de génétique de Londres, alerte sur un "désastre humanitaire" à venir.

C'est une véritable déferlante de Covid-19 qui menace la Chine, trois ans après les premiers cas à Wuhan et un mois à peine après la fin de la politique dite "zéro-Covid".

Comment expliquer cette situation ? Quel est le taux de vaccination dans le pays ?

Doit-on craindre une déferlante de cas sur l'Europe ? Autant de questions que La Dépêche du Midi a posé à François Balloux, directeur de l’Institut de génétique de Londres et épidémiologiste.

François Balloux est directeur de l'Institut de génétique de la London’s Global University. Wikipedia - Krypstick, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

 

Les images des hôpitaux et des crématoriums saturés en Chine parlent d'elles-mêmes... Quelle est la situation dans le pays ?

Elle est assez grave. Les infections au Covid-19 augmentent très rapidement. Elles dépassaient les 30 000 nouveaux cas quotidiens début décembre. Quant au nombre de morts, il devient désormais assez difficile de le comptabiliser, du fait de la fin des tests PCR obligatoires et systématiques. Ce qui est à peu près certain en revanche, c'est que le taux de décès annoncé par les autorités se situe nettement en dessous du nombre de morts réel.

La pression est aussi très grande sur les hôpitaux, ce qui peut s'expliquer par le nombre assez faible de médecins dans le pays. On a donc finalement une situation assez similaire à celle de Hong-Kong en mars dernier.

Pourquoi les Chinois n'ont-ils pas acquis d'immunité collective ?

Ils n'ont été que très peu exposés au virus, du fait des mesures extrêmement restrictives mises en place depuis trois ans. Même si on manque encore de données, on sait plus ou moins que seule une part très infime de la population a été infectée au Covid-19.

Les contaminations risquent-elles donc de grimper en flèche dans les jours et mois à venir ?

C'est à prévoir en effet. Certaines modélisations suggèrent que le million de décès pourrait être atteint. D'ici trois mois, on sait à peu près que 70 à 80% de la population chinoise va être infectée.

Où en sont les Chinois de la vaccination ? Les personnes les plus âgées semblent être encore peu protégées...

Disons qu'une proportion raisonnable de Chinois a été vaccinée, mais que les dernières doses remontent souvent à plusieurs mois. En clair, la résistance face au Covid-19 s'amenuise. Là où la situation est effectivement effroyable, c'est chez les personnes âgées. Car si les jeunes adultes sont quasiment tous vaccinés, les plus de 65 et 80 ans ont des taux de vaccination extrêmement faibles, de l'ordre de 40%, même si ce sont là encore des estimations.

Que dire des vaccins disponibles en Chine ?

Ils reposent sur des technologies différentes de celles des Européens...

Beaucoup de gens critiquent les vaccins chinois mais on ne peut pas dire que ce sont de "mauvais" vaccins. Ils sont marginalement peut-être un peu moins efficaces que les nôtres, qui ne sont pas parfaits non plus.

N'assiste-t-on finalement pas à l'échec pur et simple de la stratégie "zéro-Covid" ? Quelles leçons en tirer ? Faut-il se résigner à "vivre" avec le virus ?

Je crois que dans un monde "post-vaccin", il était en effet grand temps de mettre fin à cette politique. C'est une stratégie très coûteuse sur le plan coûts/bénéfices, qui ne se justifie plus aujourd'hui. Et il est clair qu'en Chine, l'échec est retentissant. Selon moi, l'erreur des autorités réside dans le fait de ne pas avoir permis d'allègement des mesures une fois les vaccins distribués.

Doit-on on craindre une déferlante des contaminations dans le monde, à l'image du variant Delta venu d'Inde ou d'Omicron, détecté pour la première fois en Afrique du Sud ?

C'est tout à fait à craindre, les dernières projections s'attendent à près d'un milliard de contaminations dans le monde. On peut néanmoins se rassurer sur le fait que les variants qui circulent aujourd'hui en Chine sont les mêmes que l'on peut trouver un peu partout dans le monde. La lignée dominante qui y circule est actuellement celle de B.F7 (une dérive du variant BA.5 d'Omicron, l’actuel variant majoritaire du SARS-CoV-2, NDLR). Un scénario à la Delta ou Omicron est donc exclu.

Quel regard porter sur la stratégie anti-Covid française ? En quoi diffère-t-elle de la Chine ?

C'est finalement une stratégie assez standard, à l'image de nombreux autres pays d'Europe de l'ouest. Elle semble avoir plus ou moins porté ses fruits. Certains choix ont pu détoner - le pass vaccinal a été implanté de façon très agressive - mais c'est une politique assez classique qu'a menée la France. Il faut aussi reconnaître à l'hexagone la qualité de ses hôpitaux, ou la Sécurité sociale, qui ont beaucoup limité le nombre de décès.

    

Propos recueillis par Virgile Guilhamet

 

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