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Propagation du coronavirus en France :
l'État accusé d'être responsable

Pauline Capmas-Delarue, journaliste santé, mis à jour le 20/03/2020 

Trois médecins viennent de porter plainte contre Édouard Philippe et Agnès Buzyn, pour s’être

“abstenus” de prendre les mesures nécessaires contre le coronavirus, dès le début de l’épidémie.

En parallèle, des journalistes soupçonnent le gouvernement d’avoir mené une stratégie d’immunité

collective. On fait le point.

L'État serait-il coupable de la propagation rapide du coronavirus ? C’est en tout cas ce que pense

un collectif de soignants, qui leur reproche de ne pas avoir pris les mesures nécessaires suffisam-

ment tôt pour éviter l’épidémie en France. Une plainte a été déposée contre le Premier ministre 

Édouard Philippe et l'ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn.

3 médecins portent plainte contre Édouard Philippe et Agnès Buzyn

Philippe Naccache, Emmanuel Sarrazin et Ludovic Toro sont tous les trois médecins et représentants d’un collectif de soignants. Ce sont eux qui porté plainte, ce jeudi 19 mars, contre deux membres du gouvernement. Selon eux, Édouard Philippe et Agnès Buzyn “avaient conscience du péril et disposaient des moyens d'action” contre le virus SARS-CoV-2, “qu'ils ont toutefois choisi de ne pas exercer”.

Agnès Buzyn confesse avoir alerté le gouvernement bien plus tôt

Adressée à la commission des requêtes de la Cour de justice de la République (CJR), leur plainte s’appuie sur une interview accordée par Agnès Buzyn aux journalistes du Monde, après le premier tour des élections municipales. “Je savais que la vague du tsunami était devant nous”, a-t-elle affirmé. “Le 30 janvier, j’ai averti Edouard Philippe que les élections ne pourraient sans doute pas se tenir. [...] On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade”.

Des propos qui n’ont pas manqué de susciter la polémique, et obligé le chef du gouvernement à réagir. “Si nous n’avions pas pris au sérieux cet événement sanitaire, je n’aurais pas organisé une réunion dès le mois de janvier [...] ni pris des décisions lourdes”, s’est défendu Edouard Philippe, convenant toutefois “qu’à l’époque, beaucoup de médecins n’étaient pas d’accord avec [Mme Buzyn]”, quant à la tenue des élections.

Cette dernière a tenté de calmer le jeu dans un communiqué, mais un peu tard. “C’est vrai, j’ai exprimé mon inquiétude depuis le premier jour, parce que c’était mon rôle”, précise l'ex-ministre de la Santé, qui affirme avoir eu “le soutien immédiat” du président et du premier ministre. “Ainsi, très tôt, nous avons considéré le virus comme une menace sérieuse. Sans délai, nous avons organisé des réunions de travail”.

Le gouvernement, accusé de s’être “abstenu” de prendre les mesures nécessaires

Toutefois, ces déclarations n’ont manifestement pas convaincu les médecins à l’origine de la plainte. Ces derniers accusent les deux personnalités politiques de “s’être abstenus volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant [...] de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes”.

En droit pénal, l'omission de combattre un sinistre est une infraction passible de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende. Les plaignants estiment que si le gouvernement avait pris plus tôt les mesures instaurées depuis le 13 mars (fermeture des écoles et lieux de loisir, limitation des rassemblements, confinement…), cela “aurait sans nul doute permis de juguler l'épidémie en réduisant le nombre de personnes contaminées, et donc de personnes susceptibles de contaminer les autres”.

Les médecins s’appuient sur des déclarations d’Agnès Buzyn au « Monde », dans lesquelles elle affirmait avoir alerté dès janvier le Premier ministre sur la gravité de l’épidémie de coronavirus.

Par L'Obs avec AFP Publié le 20 mars 2020 à 07h57 Mis à jour le 20 mars 2020

Trois médecins, représentants d’un collectif de soignants, ont porté plainte jeudi 19 mars contre le Premier ministre Edouard Philippe et l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn, les accusant de s’être « abstenus » de prendre à temps des mesures pour endiguer l’épidémie de Covid-19, a annoncé leur avocat.

Cette plainte, que l’AFP a pu consulter, a été envoyée dans la journée à la commission des requêtes de la Cour de Justice de la République (CJR), seule instance habilitée en France à juger des actes commis par des membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions, selon Me Fabrice Di Vizio.

Les trois plaignants – Philippe Naccache, Emmanuel Sarrazin et Ludovic Toro, tous trois médecins – ont saisi la CJR au nom du collectif C19, récemment créé. Ils estiment qu’Edouard Philippe et Agnès Buzyn « avaient conscience du péril et disposaient des moyens d’action, qu’ils ont toutefois choisi de ne pas exercer ».

Ils s’appuient notamment sur des déclarations d’Agnès Buzyn au « Monde », qui a affirmé, après le premier tour des municipales, avoir alerté dès janvier le Premier ministre sur la gravité de l’épidémie de coronavirus et l’avoir averti que « les élections ne pourraient sans doute pas se tenir ».

Dès lors, les plaignants accusent Philippe et Buzyn, médecin de profession, de s’être abstenus « volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant […] de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes », en l’occurrence l’épidémie de Covid-19, ce qui est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Des mesures qui auraient dû être prises plus tôt

A partir du 13 mars, le gouvernement a pris plusieurs mesures, avec en dernier lieu le confinement généralisé de la population, soulignent-ils. Si celles-ci avaient été prises avant, cela « aurait sans nul doute permis de juguler l’épidémie en réduisant le nombre de personnes contaminées, et donc de personnes susceptibles de contaminer les autres », jugent-ils, regrettant notamment que dans l’Oise, un des foyers du Covid-19 en France, « aucune mesure particulière, autre que la fermeture des établissements scolaires », n’ait été mise en place.

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Mardi soir, Edouard Philippe a tenté d’évacuer la polémique née des propos d’Agnès Buzyn. « Si nous n’avions pas pris au sérieux cet événement sanitaire, je n’aurais pas organisé une réunion dès le mois de janvier » et « pris des décisions lourdes », a-t-il déclaré sur France 2.

« Il y a quelques mois, il y a des gens qui disaient “vous en faites trop” ou “vous n’en faites pas assez”. Dans quelques mois, certains diront : “Il aurait fallu faire autrement”. Ces polémiques, je les connais, je les assume », a-t-il ajouté.

Mercredi, le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin a de son côté assuré que l’Etat ne savait pas en février que l’épidémie de coronavirus allait conduire la France à connaître la situation actuelle, assurant qu’aucune décision prise par l’Etat n’avait été « contraire aux choix des scientifiques ».

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