MEDIA CORSICA
Aux enfants de l'exil
Combien êtes-vous de par le monde, enfants de Kallyste éparpillés aux quatre vents impitoyables des destinées ? Combien d’âmes en pluie déguisées d’un sourire désinvolte ? Combien de souvenirs effilochés dans vos
besaces de voyageurs égarés ? Combien d’espoirs éperdus, de prières ardentes,
combien d’heures, de jours, de semaines à attendre, à rêver ?
Il est, de par les siècles passés et de par le monde, tant de peuples à avoir choisi le
chemin de l’adieu, la gorge nouée et l’espérance chevillée aux semelles, et qui s’en sont
allés sur les sables mouvants d’illusoires terres promises. Ils vieillissent alors, loin de leurs
racines, le cœur poignardé de regrets, avec comme un goût amer de trahison qui leur
coule dans les veines…
Sur ces chemins cabossés où s’en sont allées vos vies, frères et sœurs exilés, poussés
dans le dos par un passé de misère, l’espoir et la bravoure illuminant vos songes, d’autres
cœurs en déroute s’en vont et vous tendent la main. Sur la vague de vos solitudes, ressac
incessant, vient se coucher une autre, et une autre, et une autre encore.
Toi ma petite sœur à la peau noire qu’on rejette, qu’on humilie, qu’on méprise et qu’on exclut…
Toi que l’angoisse ronge dans l’attente de la sentence de la toute puissante médecine, abandonné, tremblant dans le silence de cette chambre d’hôpital trop blanche…
Toi, entre les quatre murs de ta cellule aveugle dont les mois, les années se flétrissent et s’allongent à n’en plus finir, vides et stériles…
Toi, vieillard oublié des tiens, cloîtré dans cette bâtisse anonyme où ta vie s’en va sombrer sans plus personne à qui confier un sourire ou une larme…
Ne sommes-nous pas tous naufragés en haillons d’une île radieuse que le temps a noyé dans les brumes des routines, des souffrances, des résignations, des Noëls assassinés ? Tous prisonniers d’un destin indomptable qui se joue de nos espoirs ? Tous trébuchant sur un chemin de croix solitaire ?
Nous ne rêvons pas, pourtant, l’île existe bel et bien, si vraie, si lumineuse. Un seul chemin y mène. Il nous faudra joindre nos mains, unir nos errances et nous le trouverons, notre jardin d’Eden. Au fond de nos cœurs, à l’heure où nos solitudes, en s’unissant, s’évanouiront pour l’éternité. Le chemin ne peut être qu’en nous, d’où qu’on vienne, nos horizons sont les mêmes.
Un seul soleil nous guide et nous réchauffe, une seule planète nous porte, le même sang coule dans nos veines, on nait, on vit, on meurt, d’où qu’on vienne, où qu’on vive et où qu’on aille…
Extrait du livre : "Encorselée"