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Bernardu Pazzoni

 

Vit à Ajaccio

 

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Docteur de l'Université de Corse, "Grand prix Jean Ambrosi" ; "Lenzulone" Accademia Corsa de Nice
Responsable ("foundator" Conservateur du Patrimoine) Phonothèque du musée de la Corse.(Corti) International Dance Council CID (Athènes-Paris) et Sacem.
Musicien-Chercheur.(violon, Cetara, urganettu) en Musiques et traditions orales. Gruppu L'ANFARTI et "Corse-Musicothérapie"

 

 

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Les Chjam’è rispondi ou joutes poétiques et musicales corses.

 

Il s’agit de cet héritage culturel immatériel qui nous a été légué par des poètes-improvisateurs et qui dépasse le simple exercice rimé ou mélodique, c’est un fonds culturel, pétri de légendes, de croyances, de pensées et d’inspirations poético-musicales. Il y a certes différents niveaux de qualité d’interprétation de chjam’ é rispondi, selon le thème, le moment, les chanteurs, mais on peut dire qu’il s’agit d’une pratique encore aujourd’hui assez répandue sur l’île. Il nous paraît fondamental de consacrer un article aux joutes poétiques et musicales appelées i Chjam’ é rispondi, et pour plusieurs raisons, dont la principale est qu’il n’existe pas de synthèse reprenant tous les aspects que reflète cet art poétique. Nous allons donc nous y essayer, sans prétention , mais depuis l’âge de 16 ans nous suivons et écoutons nos amis poètes-improvisateurs dans les fêtes de villages corses et les foires dont A Santa di U Niolu….. et du fait que le Musée de la Corse a en archive des documents filmés originaux, grâce aux captations audio-visuelles prises lors des rencontres festives organisées pendant plus de 11 années et des documents sonores anciens datant de 1948, 1951, 1954, 1961…..nous aimerions transmettre ces connaissances au plus grand nombre….

A l’heure où nous écrivons cet article, nous apprenons le décès d’un passionné de musiques anciennes, un archéomusicologue d’Ajacciu, notre ami Jean-Claude SILLAMY, qui eut le privilège de pouvoir enregistrer un ancien poète-improvisateur, le barde Dumenicu Andreotti, dit Minicale, à Evisa …. Ce chercheur, compositeur, universitaire (archéomusicologie) et Chevalier des Arts et Lettres nous a en effet quittés le 29 Juillet 2016 à Ajaccio, à l'âge de 84 ans. Il avait passé sa vie, comme un peu Felix Quilici à recueillir en Corse et dans les pays orientaux, des moments de musique populaire, consacra de nombreuses années à leur étude, leur transcription, leur analyse et pour la Corse proposa des partitions avec arrangements et accompagnements pour divers instruments. Nous pouvons dire aussi que sa participation au groupe l’Estudiantina Ajaccina avait été très recherchée et appréciée en tant que savant musicien. Quant aux enregistrements de Dumenicu Andreotti, il eut l’excellent idée d’en déposer une copie à la phonothèque du musée de la Corse en 1997 .Ecoutons le dans son ouvrage, inédit, manuscrit déposé au musée régional d'Anthropologie de la Corse, Corte, écrit dans les années 1997/1998 : « Les bardes corses ont miraculeusement, jusqu'à aujourd'hui, conservé des mélodies et des modes musicaux qui remontent à la plus haute Antiquité et peut-être même au-delà , avant l'écriture .En effet, si dans le cas de Minicale, nous ne pouvons pas faire remonter la structure de son mode au-delà de la Grèce antique classique, étant donné que celui-ci atteint presque l'octave, il n'en est pas de même pour les bardes du Chjam ' é rispondi du Niolu dont la structure ne s'étend que sur une quarte ou sur une quinte. C'est la raison pour laquelle nous dirons que les modes des bardes corses sont plus anciens que ceux chantés par Minicale. Ils ne viennent pas de la Grèce antique du temps de Platon, mais d'Asie occidentale, d'Anatolie, de Phrygie; ils y étaient en vigueur à l'époque où le virtuose phrygien Olympos vivait encore en Phrygie, il y a de cela plus de 2800 ans. Si les Grecs ont appelé ces modes : modes phrygien et hypophrygien, c'était par référence à Olympos qui avait introduit ces modes asiatiques en Grèce. En fait, dans l’Antiquité, en Asie occidentale, au Moyen-Orient, ces modes possédaient d’autres noms ….. »

« L’Origine de ce chant remonte à l’Antiquité. Il y a un cheminement depuis e strufulelle, a tribbiera, u brinchisu, u serinatu, u chjam ‘ é rispondi. Et comme disait Platon le poète en appelle aux « Muses », sa parole est essentielle et fonde la Mémoire. « in : Préliminaires à l'analyse d'un " Chjam ' é rispondi " du Niolu , p.136, Jean-CLaude Sillamy » Le Chant des Bardes Corses au carrefour des traditions musicales occidentales et orientales « , par Jean-Claude SILLAMY, Docteur en Musicologie, Docteur ès lettres et Arts « Don d’invention spontanée », comme disait l’ethnomusicologue Félix Quilici, chaque poète-improvisateur en appelle à « a Musa », à l’inspiration poétique, une strophe provoquant un autre poète qui doit répondre, sans faillir, le regard fixé sur son opposant qui, en l’écoutant, prépare la réponse et ainsi de suite.

L’improvisation se réalise en chantant alternativement sur un air (« u versu ») proche des sérénades sous la forme d’une strophe de 6 vers de 8 pieds en rimes ABABAB ou / ABABCC. Les protagonistes se retrouvaient lors des foires, ou se rencontraient par hasard au moulin, lors des vendanges, dans un café, à une fête de mariage, à une tonte de moutons (« tundere ») voire à une élection municipale. Il y a certes différents niveaux de qualité d’interprétation des chjam’ è rispondi, selon le thème, le moment, les chanteurs, mais on peut dire qu’il s’agit d’une pratique aujourd’hui encore assez répandue sur l’île.….L’improvisation, est un jeu qui se passe soit dans la bonne humeur soit le conflit…En effet dans cette micro-société villageoise, faite aussi de non-dits et de silence, le peuple s’identifie à ses poètes (« l’anfarti »), et grâce à ces médiateurs, la poésie et le chant permettent de transcender tous les tabous et d’exprimer ce que les autres villageois n’arrivent pas à extirper d’eux-mêmes. « In puesia tuttu si dice » : on peut tout dire en poésie. Héritage culturel immatériel qui dépasse le simple exercice rimé ou mélodique, pétri de légendes, de croyances, de pensées et de musicalités, le Chjam ‘ é rispondi conserve et transmet la langue corse en réunissant plusieurs générations, tel un creuset (« un scaghjarolu ») de traditions orales, d’expressions, de métaphores de la langue corse orale. Ces improvisations poétiques sont à l’origine d’autres chants qui sont restés dans les mémoires, et qui transmis oralement, sont en quelque sorte colportés dans l’espace et le temps. « L’anfarte » est un personnage admiré pour ses talents, respecté et écouté de toute une population, assez différent des autres car il est aussi « l’avucatu », celui qui dit les choses.

Le rôle du Chjam’ é rispondi dans la transmission de la langue corse, et la communication intergénérationnelle est évident : images poétiques, tours de phrases, jeux de mots, communication verbale et non-verbale (importance du geste accompagnant les improvisations).

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