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Projet de loi climat : la création du controversé "délit d’écocide" votée par les députés
Le projet de loi "climat et résilience" issu de la convention citoyenne
Inspirée des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, la mesure gouvernementale, qui vise à renforcer l’arsenal pénal contre les atteintes environnementales, a passé le cap de la commission spéciale comme l’ensemble du texte dans la nuit de jeudi à vendredi. Sans retouche mais non sans faire débat.
"Emmanuel Macron et Barbara Pompili à la Convention citoyenne pour le climat, à Paris, le 14 décembre 2020. (Thibault Camus/Reuters)
par Florian Bardou publié le 19 mars 2021 à 14h45
C’est l’un des volets parmi les plus commentés, mais aussi parmi les plus discutés, du projet de loi «climat et résilience». C’est aussi la dernière mesure phare du texte gouvernemental, issu (ou plutôt inspiré) des travaux de la Convention citoyenne pour le climat adopté et rogné par les lobbys, en commission spéciale par les députés dans la nuit de jeudi à vendredi au terme de deux semaines d’examen. Le «délit d’écocide» a été approuvé sans retouche jeudi soir avant d’être à nouveau débattu dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale – les débats ont cependant été limités à 45 heures en séance publique – à compter du 29 mars. «Cette évolution permettra de réprimer à leur juste hauteur les atteintes à l’environnement les plus graves, s’est d’ailleurs félicitée la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, à l’initiative de ce texte jugé insuffisant pour parvenir à une limitation drastique des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 selon le Haut conseil pour le climat. Une belle avancée. »
Mesure trop faible et « invraisemblable »
Si elle prévoit des peines lourdes (jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 4,5 millions d’euros d’amendes), notamment quand les faits « graves et durables » de pollution des eaux, de l’air et des sols «sont commis de manière intentionnelle» et «en connaissance des risques encourus», cette nouvelle infraction ne satisfait pas les demandes de la Convention citoyenne. Les « 150 » souhaitaient en effet la création d’un « crime d’écocide » afin de réprimer « toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées ».
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« Ce délit répond au critère de la gravité et au critère de l’intentionnalité mais en droit français, détruire la nature, même intentionnellement, n’est pas un crime. Invraisemblable », analyse à ce propos sur Twitter la juriste Valérie Cabanes, qui milite depuis de nombreuses années pour l’instauration d’un « crime d’écocide ». Du côté des experts du droit, on juge la mesure soit trop faible au regard des obligations européennes (c’est l’analyse de l’avocate et ancienne ministre Corinne Lepage), soit mal ficelée au risque de constituer une «régression» en matière de droit pénal de l’environnement ou de flirter avec l’inconstitutionnalité. Notamment, dans les rangs du Conseil d’Etat. Dans son avis consultatif sur le projet de loi climat et résilience, rendu en février, la plus haute juridiction administrative estimait que «le projet de loi réprime ainsi de manière sensiblement différente et incohérente des comportements intentionnels causant des atteintes graves et durables à l’environnement».
Délit « général » de mise en danger de l’environnement
Car dans le texte le « délit d’écocide » s’accompagne aussi d’une batterie de dispositions visant à renforcer le droit pénal de l’environnement. Cela passe notamment par la création d’un délit « général » de mise en danger de l’environnement, puni d’une peine de trois ans de prison et de 300 000 euros d’amende. « La mise en place d’un tel délit permettrait de sanctionner un fait avant même qu’un dommage environnemental ait eu lieu. On serait donc dans de la prévention, ce qui manque cruellement dans le droit pénal de l’environnement », soulignait récemment dans une interview auprès de Libération l’avocat Arnaud Gossement.
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Autre levier d’action souhaité par le gouvernement : le renforcement des amendes pour les infractions au code de l’environnement, en particulier en cas « d’atteinte grave et durable » (de plus de dix ans) aux écosystèmes, mais aussi la création de peines « à caractère dissuasif » selon Barbara Pompili, comme la dissolution de la personne morale reconnue coupable et l’impossibilité de percevoir des aides publiques. Enfin, un amendement soutenu par le gouvernement dessine la création d’un bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels, qui mènera des enquêtes sur les causes et conséquences des accidents les plus importants à l’image de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen à l’automne 2019."