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Hervé Cheuzeville est l’auteur de sept livres et de nombreux articles et chroniques. Son dernier ouvrage « Prêches dans le désert » est paru aux Editions Riqueti en mars 2017. Basé à Bastia, il présente une chronique hebdomadaire sur les ondes de Radio Salve Regina.

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Joyeux Noël !

 

Ma chronique d’aujourd’hui sera davantage une lettre ouverte qu’une véritable chronique. Cette lettre s’adresse à la municipalité de Bastia, ville d’où ces lignes sont écrites, mais aussi et très certainement à la plupart des municipalités de France, de Corse et de Navarre. L’autre jour, j’ai aperçu des employés municipaux bastiais très occupés à installer les décorations festives censées égayer nos rues, avenues et autres ronds-points durant la période des fêtes de fin d’année. C’est ainsi qu’un gigantesque et obèse Père Noël écarlate orne désormais le rond-point tout près de chez moi. Père Noël, ai-je écrit.

Vous avez bien lu : Père Noël. Comment se fait-il que l’on n’ait pas encore songé à débaptiser ce bonhomme à la grande barbe blanche, tout de rouge vêtu ? Ne s’agit-il pas là d’une inadmissible atteinte à la laïcité ? D’une offense faite à ceux qui ne célèbrent pas Noël ? Ne conviendrait-il pas de le rebaptiser de toute urgence « Père Fêtes », puisque le mot « Noël » est désormais un mot tabou dans le langage de nos édiles ?

Déjà les années précédentes, j’avais constaté la disparition des décorations nous souhaitant un « Bon Natale » ou un « Joyeux Noël« , au profit d’un souhait de « joyeuses fêtes » prétendument plus consensuel. Il s’agit là d’un reniement de nos traditions ancestrales et multiséculaires. Plus grave, c’est également une forme de complaisance – ou de peur ? – face à l’islamisme ou à l’anticléricalisme militant. Ces mêmes édiles qui craignent de susciter des réactions hostiles en souhaitant un Joyeux Noël à leurs administrés n’hésitent cependant pas à souhaiter un « bon ramadan » à une partie d’entre eux, ou à participer à des repas de rupture de jeune, à l’instar de Madame Hidalgo, maire de Paris. Ne s’agit-il pas là d’un cas de « deux poids deux mesures » au profit d’une religion récemment importée en France, et d’une forme de mépris envers le christianisme qui, lui, y est enraciné depuis près de deux millénaires ?

Dans un pays où la religion majoritaire est le christianisme et ce, depuis au moins quinze siècles, n’est-il pas normal de voir des églises, des calvaires ou des statues de la Sainte Vierge en bord de route ? Ces symboles, religieux il est vrai, font partie du paysage français depuis toujours, ils constituent des éléments de notre patrimoine culturel, religieux et historique. En quoi leur présence dans l’espace public, ainsi que celle de crèches au moment de Noël, constituerait-elle une gêne ou une offense pour quiconque ?  Cela ne peut l’être que pour des esprits étriqués qui ne comprennent rien à la laïcité. Celle-ci ne signifie pas l’intolérance, l’instigation de procédures judiciaires idiotes ou la promulgation d’interdits imbéciles.  La laïcité devrait plutôt être synonyme d’ouverture : accepter les croyances des uns et des autres, leur pratique (ou leur non pratique) de la religion, sans contraindre quiconque à les suivre ou à les obliger à vivre comme eux. Un ami franc-maçon m’a un jour expliqué que la Tour Eiffel, monument emblématique de la ville de Paris, comporte de nombreux symboles maçonniques, comme de nombreux autres monuments, d’ailleurs. Cela ne me dérange aucunement. La franc-maçonnerie fait elle aussi partie de notre patrimoine culturel, même s’il s’agit là d’un héritage moins ancien que celui qui nous a été légué par le christianisme. Elle a donc parfaitement le droit de cité dans notre paysage architectural !

En période de fêtes de fin d’année, je me suis souvent trouvé à l’étranger. En Suisse, on peut admirer des crèches de très grande taille dans les rues. Naples est célèbre pour son marché aux crèches qui s’étend sur des quartiers entiers. À Lisbonne des crèches énormes sont installées dans la ville et il est fréquent que d’autres plus modestes ornent des vitrines. Il ne s’agit pas là d’ostentation religieuse ou de tentatives de prosélytisme, mais plutôt d’une preuve d’intelligence et de respect des traditions.

Si nous interdisons les crèches, ainsi que la croix élevée sur un monument honorant un Pape, en Bretagne, alors pourquoi ne pas aussi ôter toutes les croix des églises ou d’autres monuments et même les interdire à l’entrée des cimetières ou sur les monuments funéraires ? La présence des minarets ne me choque pas lorsque je suis en pays musulman, même s’il est vrai que la multiplication des mosquées et l’introduction de haut-parleurs de plus en plus puissants rendent les appels du muezzin de moins en moins mélodieux et de plus en plus cacophoniques.  En Asie du Sud-Est, le passage à l’aube des files de bonzes vêtus de robes couleur safran sur les trottoirs, avec leurs bols à offrandes, contribuent au charme et à la poésie de ces contrées. Il ne viendrait à l’idée de personne, là-bas, de songer à interdire ces pratiques ancestrales pour cause de laïcité ou de gêne occasionnée ! Dans ces mêmes pays, pourtant majoritairement bouddhistes, la présence, en décembre, d’arbres de Noël, de pères Noël, souvent géants, ou d’enseignes lumineuses souhaitant « Merry Christmas » ne choquent personne et semble au contraire être devenue une tradition, récente certes, mais attendue et appréciée du plus grand nombre.

Pour en revenir à nos villes et à nos villages, je préfère quant à moi voir dans l’espace public des monuments, des symboles et des édifices religieux chrétiens, qui sont un héritage d’un passé immémorial, plutôt que les hideux panneaux publicitaires géants et les immenses temples de la consommation qui « ornent » l’entrée de nos villes de Dunkerque à Ajaccio, ou les horribles « tags » à prétention artistique qui « décorent » les bords bétonnés de nos voies de chemins de fer et de nos ponts de Brest à Strasbourg!

En conclusion, j’aimerais lancer ici un appel au maire de Bastia et à tous les maires de France pour que bon sens et respect des traditions soient de nouveau à l’ordre du jour. Souhaiter « Joyeux Noël » n’est pas une offense, ni pour un musulman, ni pour un non croyant. C’est tout simplement une forme de politesse traditionnelle, héritée de nos aïeux, qu’il conviendrait de conserver. Lorsque je vivais en pays musulman, j’étais heureux de recevoir des souhaits de « Eid Moubarak », à l’occasion des deux grandes fêtes musulmanes. Je suis persuadé qu’ici les musulmans sont également sensibles aux souhaits de « Joyeux Noël » de leurs concitoyens.

Alors, s’il vous plait, Monsieur le Maire, rendez-nous nos belles décorations de Noël, y compris celles qui nous souhaitent « Joyeux Noël »  et permettez-moi de vous souhaiter, bien à l’avance, un « Bon Natale » !

Hervé Cheuzeville, 6 novembre 2017.

 

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