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La préfète protège les bois ? L’État la vire

 

 
 
Certains maires auraient « envoyé des SMS sans arrêt à Darmanin »

Selon le Canard enchaîné, ce sont ces réserves et cette rigueur concernant la loi qui ont poussé certains élus locaux à demander le départ de Mme Lajus. Certains maires auraient « envoyé des SMS sans arrêt à Darmanin » pour demander la révocation de la préfète selon le journal satirique. La nomination ou la cessation de fonction d’un préfet sont en effet à l’initiative du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et de la Première ministre Élisabeth Borne.

Bernard Gaultier, le président des maires ruraux d’Indre-et-Loire, même s’il reconnaît « certaines tensions » avec l’ex-préfète, assure qu’aucun maire de la région n’a, à sa connaissance, fait pression pour l’éviction de Mme Lajus. « C’est vrai qu’il y avait un manque de confiance entre certains élus et la préfète, on souhaitait être plus soutenu dans nos projets », assure le maire de Perusson. « Elle paraissait comme une personne très stricte et rigoureuse, qui se retranchait souvent derrière la loi. Elle restait dans sa tour d’ivoire à la préfecture et on la voyait rarement. » Un avis partagé par les maires du département selon Bernard Gaultier. La presse locale affirme même qu’un élu déclarait en 2021 « qu’elle nous fait chier avec son cul pincé » lors d’un congrès des maires d’Indre-et-Loire. Les tensions entre la préfète et certains maires étaient « connues et avérées », confirme au téléphone Emmanuel Denis, maire écologiste de Tours, qui a salué « l’exemplarité » de l’ex-préfète lors du dernier conseil municipal de la ville.

Cette éviction est une « honte pour le gouvernement »

Peu de temps après le décret du 7 décembre annonçant la fin des fonctions de Marie Lajus et les révélations

dans la presse, une pétition en ligne et une tribune parue dans le journal Le Monde ont mis en avant le caractère

« injuste » de la décision. Pour Nicole Bonnefoy, sénatrice en Charente et membre du parti socialiste qui a

travaillé avec Marie Lajus lors de son affectation en tant que préfète de la région entre 2018 et 2020, l’éviction

de la préfète est « une honte pour le gouvernement. On a fait voter la loi Climat et Résilience en 2021 en fixant

notamment le ZAN — zéro artificialisation nette d’ici 2050 — et quel est le message du gouvernement ?

Il limoge une préfète qui tente de faire respecter la loi. Cela démontre bien la faiblesse de l’État en matière de

protection de l’environnement » regrette Nicole Bonnefoy. La sénatrice, qui a signé la tribune a également

envoyé un courrier au ministre Darmanin pour évoquer sa « consternation ». « À quoi cela sert de faire voter

des lois si elles ne sont pas appliquées ? »

À Reporterre, elle affirme que « cette éviction me fait me poser beaucoup de questions. À quoi cela sert d’être

parlementaire, de faire voter des lois, pour qu’au final elles ne soient pas appliquées ? »

Nicole Bonnefoy pense également que les élus locaux ont joué un rôle dans l’éviction de Marie Lajus.

« Il existe des pressions c’est certain, qu’elles proviennent de lobbys ou d’élus locaux. Il ne faut pas oublier non

plus que Marie Lajus est une femme, et je constate tous les jours dans ma chaire que la parole d’une femme en

politique ne vaut pas celle d’un homme », poursuit la sénatrice.

Christophe Monteiro, directeur de centres sociaux à Angoulême et créateur de la pétition en ligne en soutien à

Marie Lajus souligne le professionnalisme de l’ex-préfète et sa proximité avec la population. « Elle était préfète en Charente durant deux années. C’était une personne très dynamique, très proche des citoyens. Les gens avec qui je travaille ici, dans les quartiers et les centres sociaux se rappellent du nom de la préfète, c’est quand même assez rare ! Avec cette décision, le gouvernement envoie un mauvais signal. On ne peut pas parler d’exemplarité ou de valeurs en bafouant à ce point l’honneur d’une femme », dit-il au téléphone.

« Si des élus locaux ont pu faire démettre la préfète de ses fonctions en envoyant des messages au ministre Darmanin, c’est un sujet d’État. » 

Christophe Monteiro, comme les élus et les différents acteurs de la société civile qui ont manifesté leur incompréhension, attend désormais des explications sur les raisons qui ont poussé Gérald Darmanin et Élisabeth Borne à mettre fin aux fonctions de Marie Lajus au milieu de l’année, sans préavis et sans point de chute. « Si les faits sont avérés et si certains élus locaux ont pu faire démettre la préfète de ses fonctions en envoyant des messages au ministre Darmanin, c’est un sujet d’État », assure au téléphone Emmanuel Denis, le maire écologiste de Tours.

En son temps notre ex Préfet Bonnet, en Corse, a été nommé après ses actions retentissantes "Préfet Hors Cadre"... une promotion à ne rien faire, payé par les contribuables... Rions ensemble !

Là, une préfète agit en conscience pour poser une problématique grave et elle est mise au rencart ?

Oui, il y a 2 poids 2 mesures, il faut être dans le sens du vent et ne pas faire de vagues, semble-t-il pour garder sa place ?

N'est-ce pas ce régime (les préfets) que notre président souhaite supprimer ? La République et son maillage territorial n'ont qu'à bien se tenir... Ce serait source d'économies ! Et on en a besoin !!!

La préfète d’Indre-et-Loire Marie Lajus a été limogée car elle voulait... faire respecter la loi. Elle s’opposait à un projet immobilier destructeur de terres. Ses soutiens, dont moult élus, dénoncent une « injustice ».

« Vive la presse... vive la presse libre ! » C’est une vidéo publiée sur le réseau social Twitter et massivement relayée qui a contribué à mettre en lumière cet événement. On y voit l’ex-préfète d’Indre-et-Loire Marie Lajus brandir un article du Canard enchaîné mis sous verre et offert par ses collègues. Cette enquête parue le 14 décembre dans le journal satirique révèle les conditions obscures pour lesquelles Marie Lajus a été évincée de son poste de préfète une semaine plus tôt. On y apprend qu’une banale affaire d’urbanisme aurait provoqué sa chute et que ce sont certains élus locaux qui auraient fait pression pour démettre l’ex-préfète de ses fonctions.

Au cœur de cette affaire, le projet de construction d’un incubateur de start-up « deeptech » de 4 000 m2 dans l’ancien domaine d’une maîtresse de Louis XIV, Madame de la Vallière, dans la commune de Reugny, en Indre-et-Loire. Le domaine appartient à l’homme d’affaires Xavier Aubry, qui a fait fortune en Suisse et qui souhaite désormais y implanter le DaVinci Lab, un centre de recherche sur les nouvelles technologies. Le problème, c’est que l’entrepreneur souhaite construire cet incubateur sur un terrain non constructible et boisé, adossé à un château qu’il a déjà transformé en hôtel de luxe il y a quelques années. Certains élus tourangeaux y voient pourtant une opportunité pour redynamiser la région. « C’est un investissement de 15 millions d’euros, pour un département comme le nôtre c’est extrêmement important », déclare à Reporterre Bernard Gaultier, président de l’association des maires ruraux d’Indre-et-Loire.

Le Da Vinci Labs doit être construit sur un terrain non constructible et boisé, adossé à un château transformé en hôtel de luxe. Da Vinci Labs

En sa qualité de préfète sur le territoire, Marie Lajus, accompagnée par les services de l’État et notamment des Bâtiments de France, avait émis des réserves à plusieurs reprises sur le projet. Dans un échange de courrier que Reporterre a pu se procurer entre Nicolas Toker, le maire de Reugny qui accompagne le projet Da Vinci Lab sur sa commune et l’ex-préfète Marie Lajus, cette dernière souligne que « l’intérêt scientifique, économique et territorial du projet [...] doit être établi sans laisser place au doute » et émet une réserve sur la justification du bien-fondé du choix de l’implantation en milieu boisé non constructible.

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