MEDIA CORSICA
François-Robert GIROLAMI
Chef d’Orchestre Directeur Artistique de l’Orchestre Philharmonique National de Sibiu et de l’Opéra de Craiova Maître de Conférences en Philosophie à l’Université Sibiu-Craiova Hameau Cipronasco 20233 SISCO
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LA CORSE ET LA ROUMANIE
Je remercie MEDIA CORSICA pour le beau texte de Jean-Toussaint Desanti dont je fus l’étudiant à l’Université Paris I - Sorbonne. Je salue le témoignage de Jean-Claude Rogliano sur la Roumanie et je voudrais apporter quelques éléments complémentaires.
Les corses et les roumains ont de nombreux éléments commun : leurs langues sont voisines, leurs mœurs traditionnelles sont semblables, leurs chemins historiques comparables. Ils sont la même latinité. LA « REVOLUTION » ROUMAINE EST NEE EN CORSE. J’étais encore étudiant au Conservatoire de Paris lorsque j’ai été invité la première fois en Roumanie pour diriger l’Orchestre Philharmonique National de Sibiu, suite à la visite d’État du Président Ceaucescu en France, et à l’occasion de laquelle des échanges culturels furent contractés. En 1981, cet orchestre est venu inaugurer le Théâtre de Bastia. Les agents de la « sécuritate » qui l’encadraient se sont mêlés à nous dans des discussions où transparaissaient des désirs de réforme du régime. Le soir après les répétitions, dans les bars de Bastia où nous nous réunissions, des projets d’action politique étaient élaborés. En 1989, les musiciens ont participé au soulèvement et l’orchestre a été un facteur social déterminant. C’est à la suite de ces « évènements » et en remerciement pour mon action dans cette période, que les nouvelles autorités m’ont nommé citoyen d’honneur et directeur artistique permanent de l’orchestre de Sibiu et de l’Opéra de Craiova. ROUMANIE AUJOURD’HUI De nombreuses études ont clairement établi que cette « révolution » a été un coup d’État prémédité avec l’appui de puissances étrangères, de forces dissidentes, de services spéciaux. Créée pour pérenniser le pouvoir présidentiel, la Sécuritate l’a servi, protégé, et trahi. Aujourd’hui, s’étend au sein de la population, un sentiment de nostalgie de l’ancien régime qui inquiète les autorités, à tel point que les Etats-Unis ont installé trois bases militaires dans le pays. Les raisons de ce regret sont économiques, politiques, et culturelles :
ROUMANIE AUJOURD’HUI
1. les roumains regrettent les services publics : alors que la santé, l’éducation, la culture, les besoins vitaux, étaient gratuits, aujourd’hui tout est onéreux car tout a été privatisé. Qui n’a pas d’argent pour se soigner est condamné à mourir.
2. L’exécution du couple présidentiel est restée un traumatisme enraciné dans la population. Nonobstant son régime dictatorial, Ceaucescu était un roumain de souche et un procès équitable eût été préféré. Une dictature n’est jamais un dictateur seul, c’est un système de réseaux, de relais, de complicités. Or, les images de télévision ont montré un assassinat crapuleux. L’actuel chef de l’État vient d’Allemagne, le Premier Ministre et le gouvernement sont des « techniciens » nommés et ne sont pas issus du suffrage universel.
3. Les traditions culturelles roumaines, qui dénotaient un nationalisme appuyé (parfois un peu trop), disparaissent au profit d’une culture mondialisée et financiarisée. Les orchestres nationaux financés par l’État ont disparu, les Universités publiques sont exsangues, les Facultés privées sont aux mains d’investisseurs étrangers et inabordables pour les jeunes roumains, les élites intellectuelles émigrent à l’étranger.
4. L’évocation de la Liberté acquise n’est pas efficace car de nombreux roumains estiment qu’ils ne sont pas plus libres aujourd’hui qu’hier, à l’exception de quelques richissimes privilégiés. Ces éléments contribuent à présenter, évidemment de façon illusoire, le régime communiste précédent comme un Eden disparu. Les crises politiques se succèdent, sont interminables et je suis inquiet pour l’avenir de la Roumanie. Il reste à espérer que les jeunes générations s’éveilleront et sauront prendre leur destin en main avec sérénité et lucidité.
CORSES ET ROUMAINS AUJOURD’HUI
L’orchestre National de Sibiu / Opéra de Craiova ont donné en Corse plus de 100 concerts et spectacles lyriques. Ils ont accueilli en leur sein des musiciens corses, les ont emmenés dans des tournées, des festivals en Roumanie et en Europe, offert une expérience professionnelle à des jeunes du Conservatoire de Corse, accompagné en concerts des chanteurs traditionnels insulaires avec aisance car les polyphonies respectives ont la même source. Récemment, le Don Pasquale (Donizetti) à Sartène il y a deux ans, le concert de Marseille avec des chanteurs corses, La Traviata (Verdi) à Bastia et à Paris l’an dernier, ont connu un immense succès. La troupe reviendra bientôt et les corses sauront l’accueillir fraternellement comme ils ont su le faire depuis 35 années. L’aventure doit se poursuivre car les roumains ont besoin de nous comme nous avons besoin d’eux.
En corse : bona strada per Media Corsica
En roumain : buna strada pentru Media Corsica