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Chantal Giannoni

 

Vit dans le Jura

 

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Métro bruxellois, une île dans la ville...

Après le petit texte sur l'exil que je vous ai envoyé il y a un petit mois, j'ai eu envie de partager celui-ci, Juste pour dire que le métro, où qu'on aille, peut aussi être le terrain de rencontres improbables, de passerelles entre des mondes aux antipodes. Et qu'à Bruxelles comme ailleurs, on trouve là, avant tout et au quotidien, si on veut bien l'écouter, la vie.

Ravie en tous cas d'avoir embarqué sur ce voilier, que la croisière soit longue et riche.

Dans ce long corridor triste livré à tous les vents glacés de cet hiver agonisant, comme une de ces pierres levées solitaires des landes bretonnes, il jaillissait devant l’étui béant de son violon…

Quel âge pouvait-il bien avoir ? 50 ? 60 ? 70 ans ? Je ne pourrais le dire, et ses traits se sont effacés de ma mémoire.

Ce que je sais, c’est que la sarabande qui a jailli sous son archet et qui a soudain cascadé dans ce couloir de métro sordide, surfant par-dessus les courants d’air et les relents d’urine, m’a subjuguée. Vivaldi venait d’ensemencer le printemps sur ce cloaque souterrain et glauque, avec sa farandole de corolles écloses et de promesses de fruits mûrs, de soleils éblouissants, de lendemains qui chantent … Les yeux éclaboussés d’azur, il se tenait droit dans un pardessus élimé, terne, trop ample pour sa silhouette maigre. Le flot furieux de la foule poursuivait pourtant son cours tumultueux et intarissable. Lui se dressait là comme une île lumineuse, transfiguré par sa musique. Surréalistes, deux univers se côtoyaient sans mélange possible, d’un côté une horde furieuse, aveugle, sourde, robotisée, happée dans une fuite en avant. Et de l’autre, ce petit homme frêle et son violon, immobile, échoué par erreur sur une berge de ce fleuve dantesque…

Je me suis surprise à stopper ma course, à m’extraire du courant déchaîné et à me poser là, sur cette rive enchantée… J’ai posé quelques piécettes dans son béret sans âge, les yeux clairs ont souri. Il a posé son instrument et a plongé la main dans la poche avachie de son pardessus.

« Attendez ! »

Je partais déjà, happée par la routine. Je me suis retournée et il a tendu la main.

« Tenez ».

On s’est souri et dans le creux de ma paume, il m’a fourré une poignée de bonbons multicolores, comme autant de perles d’un paradis retrouvé…

A bientôt. Amicizia.

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