top of page

Bernardu Pazzoni

 

Vit à Ajaccio

 

Voir la bio en entier

Suivre ce contributeur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Docteur de l'Université de Corse, "Grand prix Jean Ambrosi" ; "Lenzulone" Accademia Corsa de Nice
Responsable ("foundator" Conservateur du Patrimoine) Phonothèque du musée de la Corse.(Corti) International Dance Council CID (Athènes-Paris) et Sacem.
Musicien-Chercheur.(violon, Cetara, urganettu) en Musiques et traditions orales. Gruppu L'ANFARTI et "Corse-Musicothérapie"

 

 

Autres articles :

L'antichi sunadori : antécédents familiaux

Chjam'è respondi

 

« Les musiciens du village de Belgodere . Une ethnomusicologie intuitive ! ».

Conférence donnée lors du Festivale CONTAMI…

 

 J’ai tenu, avant de vous parler des musiciens de Belgudè , ceux des temps passés , revenir à d’ Où est venue l’Ethnomusicologie , ou Science des musiques populaires !

L’intérêt pour les musiques populaires n’a pas attendu que des savants s’y intéressent , puisque chaude peuple , voire chaque famille l’ a pratiquée d’une façon ou une autre , pour l’éducation des enfants, pour faire la fête ou pour accompagner les cérémonies de deuil …mais au niveau scientifique , il faut citer celui qui est reconnu comme un pionnier : cela se passe en Roumanie , où Constantin Brailoiu est frappé d’émotion , en traversant un pont , par le chant d’une paysanne , et depuis consacrera sa vie à collecter, recueillir les mélodies des peuples de la Roumanie et de Bohème …..puis le couple George Sand et Frédéric Chopin, pour citer des spécialistes en art musical , qui vont ouvrir le champ des recherches en ethnomusicologie . Ainsi Frédéric Chopin par ses voyages en Méditeranée ira entendre les danses et les sérénades jouées aux colascione, mandoline, et anciennes guitares romantiques, et s’inspirera des danses de sa Pologne natale dans ses compositions .George Sand , en Bourbonnais sera fascinée par le génie des joueurs de cornemuses …..C’est alors au 19 ème siècle dans un courant de pensée en opposition au Classicisme , le Romantisme , que ces auteurs vont faire évoluer les mentalités , et faire ressortir la valeur et la richesse des musiques des campagnes , des villages , de ceux qui n’ont jamais étudié la musique ……

 

 Mais le terme d’ethnomusicologie ne sera accepté qu’après la guerre de 1940 , en France , grâce à des dissidents de la musicologie classique . Alors les Corses sont des initiateurs : Félix Quilici , Jacques Chailley, et Mighele Giacometti , ils vont étudier chacun selon sa fibre artistique les chants des paysans, leur façon de jouer des instruments et leurs danses .

 

A leur suite, j’ai repris le flambeau en quelque sorte de manière tragique : le jour de l’annonce du décès de Felix Quilici , dont j’avais entendu 2 conférences au Couvent d’Alzipratu, fut pour moi un choc terrible, car je pris conscience qu’alors plus personne ne se chargerait d’enregistrer comme il l’ a fait de recueillir les souvenirs, les chants et musiques populaires en Corse. Le lendemain je décidai de partir sur les routes pour continuer et compléter ses pérégrinations ; notamment à la recherche des derniers violoneux corses, car j’avais eu l’intuition que ce son particulier était unique et qu’il fallait le sauver de l’oubli. Conjointement par ma fibre artistique familiale , je commençais à l’âge de 16 ans à jouer du violon , de façon autodidacte , ayant seulement pris des leçons de mandoline avec René Vallecalle à Bastia …là où je n’arrivais jamais à suivre ou lire une partition et où je perdis pied dès que des croches apparaissaient : j’optais résolument de jouer d’oreille comme avaient fait les ancêtres en Corse depuis des siècles , mais aussi les Tziganes , les Hindous etc ….Un véritable choix de vie à 16 ans , je pars enregistrer avec mon cousin Gérard Koch et Anne-Marie les violoneux de Lama, le dernier violoneux de Sermanu Felice Antone Guelfucci et Natali Pinelli du Crùzini .

Ma 1ère démarche est donc artistique : jouer du violon à la manière corse.

Ma 2ème est universitaire, choisissant l’option ethnomusicologie à Corte avec le professeur Dominique Salini .

Ma 3ème est de type muséographique, puis que je classe , recherche et archive les collections sonores du musée de la corse en tant que Conservateur du Patrimoine .

 

Rappelons le terreau culturel dans lequel se situe notre ISULA di CORSICA :

 

L’Ile : « le monde de l’oralité au travers de sa culture, sa musique, sa langue, ses chants, ses personnages, ses mots et ses émotions, son patrimoine ».

l’ethnomusicologie : Une science de terrain.

C’est depuis 1948 que les premiers enregistrements sonores ont été effectué dans l’île, par un ethnomusicologue Félix Quilicci. Depuis de nombreuses sources sonores sont à la disposition du public. 

 

 

L’écoute des enregistrements fera prendre conscience de l’importance de la bouche et de l’oreille dans l’oralité.

Ecouter pour reproduire : « Di bocca à arechja ».

Nous sommes dans le monde des sonorités et de ce que l’on ne peut reproduire avec l’exactitude du moment.

 

L’Oralité développe un caractère imaginaire. Un monde traditionnel ou l’espace temps n’a de prise que sur le moment : le présent s’enfoui dans la mémoire pour conserver à jamais ses images, ses émotions et les sons de l’instant. C’est pourquoi les enregistrements sonores sont d’un grand secours. Ils permettent de revenir en arrière sur le temps et réveil le souvenir. Il y a pour le monde de l’oralité, une activation de la mémoire.

L’oreille est sélective. 10 oreilles, 10 écoutes différentes à l’infini.

La découverte de l’espace sonore par un ethnomusicologue. Découverte du fond sonore de la phonothèque du Musée de la Corse par son Responsable : Bernardu PAZZONI.

 

C’est quelques heures intégrées dans un programme artistique permettront un tour d’horizon d’une tradition orale.

Le voyage au travers de sa spécificité fruit de nombreuses motivations de recherches, d’expressions et de créations, nous fera découvrir la richesse vocale et linguistique de l’île et de sa Balagne.

Mais tout spécialement ici à Belgudè , l’intuition seule guide mes pas ,  et en lisant des textes d’archives, des ouvrages anciens corses , en faisant des recoupements ici et là , entre informations de l’oralités, bribes et souvenirs , et archives écrites j’avance progressivement :

 

BELGUDÈ

C’est le village des Pazzoni, d’abord hébergés à la fin du 18 ème siècle au Couvent, près du cimetière, puis artisans menuisiers, certains charpentiers et ébénistes ; ils ont hérité aussi de dons pour la musique instrumentale.

Pourtant, je n’ai aucun enregistrement de mes ancêtres. Mon père se souvenait d’une valse jouée par le violoneux Marchesi , un dénommé « Ziu Manuellu » , que j’entendis jouée par l’accordéoniste Albertu Muraccioli , à l’accordéon diatonique .

Ce musicien autodidacte, jouait pendant des heures , presque tous les jours, dans sa maison près du jardin clos de l’ancienne Poste , aménagé par mon oncle Natale , en plein milieu du village ; à force de l’entendre, j’ai décidé d’aller le filmer , avec Guidu Sansonnetti , qui avait porté sa caméra vidéo . En compagnie d’ Elisabeth Pardon , organiste , qui s’intéressait aux musiques populaires , j’avais porté mon violon ,pour faire entendre à Albertu Muraccioli des airs du Ghjunsani et de Speluncatu ; après nous avoir entendu , cela lui permettait de chercher les airs les plus anciens qu’il connaissait sur son accordéon. Il nous parla aussi de mon grand-père Bernardu Pazzoni, qui avait la réputation de très bien danser, en particulier « A Manfarina « au village, il se souvenait les robes femmes tournoyaient en dansant, mais pas de la musique de cette danse balanine…..

Egalement à la recherche d’instruments anciens comme A Cetara , le cistre populaire corse qui était joué dans nos villages , pour faire danser , pour accompagner les violoneux , et pour les sérénades ( voir le cœur apposé sur la table d’harmonie ) par exemple , quelle bonne surprise de lire sur une étiquette manuscrite d’un modèle authentique dans une maison de notable à Ville di Pàrasu , le nom A. J. Vincentelli fecit 1818 Belgauderio !

 

Il y avait donc eu fabrication d’un instrument unique ici à Belgudè ; en demandant au Colonel Antoine Vincentelli s’il connaissait cet ancêtre, il me dit que oui , et qu’il s’agissait d’un menuisier-charpentier du 19 ème siècle . ce modèle est le plus grand cistre de Corse , avec un cœur en bois de rose apposé sur la table d’harmonie comme ceux construits par les Saladini de Bastia et Speluncatu ….On est frappé par sa structure asymétrique ! (signe de la Beauté chez les Grecs anciens) ! Mais comment devaient résonne l’instrument avec ses 16 cordes métalliques entre les mains du charpentier Vincentelli ? ( on ne le saura peut-être jamais) .

 

Mais plutôt que de vous parler de musiciens stricto sensu , que la plupart je n’ai pas connus , il serait important dans cette démarche d’ethnomusicologie intuitive d’évoquer le rapport dans l’oralité aux souvenirs , par exemple en famille celui de mon oncle EUGE’ au piano , ce n’étaient pas des airs connus , mais appuyant fortement sur la pédale , toutes les harmoniques se mélangeaient comme les réminiscences peut-être du piano mécanique ( « a viola » ) du café Bernet . Nous retraçons donc un cheminement invisible et pas toujours logique entre souvenirs, bribes, et réminiscences sonores : Un autre oncle était réputé pour faire carillonner les cloches de l’église San Tumasgiu les jours de fêtes…c’est aussi cela qui résonnait à mes oreilles d’enfant, d’adolescent lorsque Ghjasippina improvisait au piano dans la maison du Fondu je n’étais pas encore ethnomusicologue, mais simplement passionné de musiques.

Il est évident après ces années d’écoute que cet ensemble harmonique participe d’une culture très ancienne, et partagée par les habitants ( cloches, pianos, violons, cistres, sérénades…) .

 

C’est ce que je découvre aujourd’hui sur les photos du Palazzu Marchesi , où on voit les musiciens de Belgudè , ou les photos de classe de son époque . et sur les photos des regroupements festifs avec les anciens accordéonistes de 1936 sur le livre « un Alburu d’Amore » de Tumasgiu Orsolani .

 

Pour revenir aux photos NB de la famille Marchesi, on apprend dans l’ouvrage d’olivier Orsini (« Belgodere mon village » de 1985 , page 26) que le photographe était Giuseppe Marchesi « né à belgodere le 28 août 1823. Très tôt il manifeste des dons pour le dessin et la peinture. Il fait ses études à l’Académie de peinture de Rome puis à Verone.. ; Mais de retour au village il devient très vite un pionnier de la photographie…il fut sinon le premier, mais un des premiers à parcourir la corse, son appareil à la main pour fixer les images de la vie quotidienne… »

 

Cette photo là nous fait découvrir le violoneux Marchesi , cité aussi par Maistrale  en 1940  « Avà andemu à sente u viulinu corsu di Manuellu Marchesi , cusi originale é spiritosu . " in : MAISTRALE :  « A Corsica paese per paese ». 1931. » 

 

D’autres souvenirs épars, venant de mon père, se souvenant d’un sonneur de banjo, dans le quartier du Fondu, de la famille de l « aministradore François Colombani ». Et j’ai appris depuis peu qu’un fin guitariste toujours de la famille Colombani, Antoine Colombani chantait et jouait de la guitare. Il a composé des chansons qui ont été gravé sur vinyle. Ce ou ces disques sont dans des cartons dans un hangar (je ne sais pas dans quel carton et où il se trouve). D'après mes souvenirs d'enfant il a joué de la guitare dans un film de Marcel PAGNOL (la belle meunière) et un film dans lequel jouait Tino ROSSI. (infos de Jean-Louis Colombani).

 

           Autre information toujours de tradition orale, la chanson « le Couvent de Belgodère » aurait été écrite par Ignace GALETTI.

Mais la tradition orale pour un chercheur s’aide aussi quelquefois de traces écrites , comme cette danse inconnue apparemment aujourd’hui , citée encore en usage en 1940 , par Gino Bottiglioni , dans son questionnaire sur Belgodere de l’Atlante Linguistico :

 

« 9– (Belgudè) : Ballenu a manfarina , u tarascone , a varandola .

BOTTIGLIONI carta 1781. Questionario 1665. 9 - Belgodere : u uattitté si ballava , segnando il tempo con un forte battitto di piedi . « 

L’autre jour demandant aux anciens du village lors de la cérémonie des nouvelles cloches in Losari ils comprenaient   " u battitellu" ......

 

D’autres souvenirs disaient en effet que le style des danses au village était de frapper le sol assez fort pour marquer les temps ….. !

 

PALASCA

Un texte de Ghjiseppu Maria BONAVITA « U Ciuffu di l’Esca » ([1] Ghjiseppu Maria BONAVITA « U Ciuffu di l’Esca « . in: U Corsu in liceu , éditions CRDP Corse. 1979 . p.202.) décrit un personnage émouvant, un violoneux qui a marqué la Balagna au cours du vingtième siècle pour ceux qui l’ont rencontré et entendu jouer :

«…Qualchi volta , purtava u so viulinu, chi sciacchittava indu a brisacca incù a scatula di u santu. U purtava pè i zitelli .Quand’e no’ l’eramu tutt’attornu, u tirava di u saccu pianu pianu, cum’è s’ell’era vechju zenacu è prontu à rende l’anima, l’accurdava – tocca qui, tocca culà, per una stonda, chi l’asgiu l’avia- eppo si mettia à sunà. Sapete chi u facia parlà , quellu viulinu. A ‘jente s’accuglia à noi, parafàttuli, stavamu di colpu, zittizitti chi ci paria una musica venuta da u paradisu, cume si Santu Niculaiu fussi surtitu da a brisacca per teneli l’archettu e chi tutti l’anghjuli di u santu , per stà à sente anch’elli, si fussinu calati à mezu à noi ….. »

 

Trad. « Quelque fois, il portait son violon, qui se cognait dans la brisaque avec la boite du saint. Il le portait pour les enfants. Quand nous étions tous autour de lui , il le tirait de son sac tout doucement , comme s’il était très vieux et prêt à rendre l’âme , il l’accordait – et touche ici , et touche là , pendant un bon moment, car il avait tout son temps- et puis il se mettait à jouer. Vous savez qu’il le faisait parler ce violon. Les gens nous rejoignaient autour de nous , qui restions tout d’un coup muets , car cette musique nous paraissait venir du paradis , comme si Saint Nicolas fut sorti de sa brisaque pour lui tenir l’archet et que tous les anges du Saint , pour l’écouter jouer, se fussent assis avec nous. »...

 

 Ce texte nous rappelle une fois de plus que dans ce monde musical, il y a aussi une part de mystère et que nos plus anciens airs ont un rapport avec des traditions magiques . On apprend alors par exemple, qu’un violoneux des environs de Sartè, était appelé lors de la récolte du miel, car en jouant les cordes à vide, il calmait les abeilles. A’ San Gavinu di Fium ‘Orbu, un joueur venait jouer certains airs devant un enfant malade, et le lendemain, il était guéri. Certains musiciens allaient dormir dans des forêts ou près de tombes isolées, et retournaient le lendemain avec « un air nouveau » (qu’ils avaient sans aucun doute entendu en rêve) …..

 

  SPUNCATU.

J’ai rencontré Mme Pasqualina Fratacci (née Colombani) sur le marché di L’Isula (L’Ile-Rousse), lors de la foire de Septembre. Lorsque je jouais du violon devant une buvette, elle s’est approchée et m’a parlé de morceaux d’accordéon diatonique qu’elle connaissait ; un rendez-vous fut fixé chez elle.

Elle ne jouait plus que du chromatique alors je fis une copie de sa cassette où elle jouait encore de l’accordéon diatonique (« u diattónicu »).

Le collectage porta uniquement sur l’accordéon chromatique, car à cette époque elle ne jouait plus de diatonique. On parla des fêtes surtout du Ghjunsani car elle avait connu mon ancêtre-musicien « Feffu » Ghjaseppu Pazzoni di Furcilj , ils avaient joué ensemble lors d’une ou plusieurs fêtes dont A San Brancaziu in Pioggiula . Dommage qu’à l’époque je n’enregistrais pas ces conversations.

(Elle avait deux frères musiciens, je l’ai appris récemment lors d’une enquête à Speluncatu auprès de Felice Colombani en juillet/août 2004).

Mme Pasqualina Fratacci, à l’ accordéon chromatique , joua entre autres un air, joué seulement en Balagna initulé « u Ballu di u Frate » et le « Valsu Ettore ». : la valse de Belgudè, qui était jouée par Manuellu Marchesi au violon. Et peut-être aussi en référence au joueur d’accordéon Ettore Mattei de Pioggiula ?

Une Masurca qui ressemble beaucoup au Valsuvienna de San Gavinu di Fium’orbu… enfin une Polcà de Balagna intitulée « Tira tira o Pittitto’ ».

bottom of page